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Chapitre  4 : Le confinement du gouvernement PARTENARIAL



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Chapitre  4 :
Le confinement
du gouvernement PARTENARIAL


A l'issue de l'analyse conduite dans le chapitre précédent, il devient difficile de considérer que l'instance gouvernementale dans le secteur des politiques de l'environnement industriel correspond au Gouvernement tel qu'il est désigné par l'article 20 de notre constitution. Les activités de gouvernement qui déterminent et conduisent la politique de la Nation en matière d'environnement industriel sont conventionnelles, mixtes et multi-niveaux. Elles reposent sur une valorisation très forte de la négociation (gouvernement partenarial) entre contrôleurs et contrôlés (gouvernement mixte) et cette négociation multi-forme se déroule entre plusieurs niveaux interdépendants de gouvernement (gouvernement multi-niveaux803). On ne peut pas, en particulier, considérer les acteurs-clefs des niveaux infra-nationaux comme de simples exécutants des décisions intervenues à un niveau supérieur. Les décisions prises depuis vingt ans en France au niveau national produisent au contraire un droit non-directif qui déconcentre les arbitrages politiques mais ne détermine que très rarement le sens de ceux rendus au cas par cas pour chaque situation particulière. On ne peut donc pas se contenter des concepts du droit constitutionnel et du droit administratif, pour identifier les caractéristiques structurelles de ce système de gouvernement. Nous nous référerons pour cette raison à des concepts sociologiques issus de l'analyse des politiques publiques.



"Dans l'acception la plus courante de l'étude des politiques publiques, note P. Le Galès, les réseaux d'action publique peuvent être définis de la façon suivante : dans un environnement complexe, les réseaux sont le résultat de la coopération plus ou moins stable, non hiérarchique, entre des organisations qui se connaissent et se reconnaissent, négocient, échangent des ressources et peuvent partager des normes et intérêts." (nous soulignons)804 La notion sera utile mais insuffisante pour décrire ce système de gouvernement partenarial. Elle suggère en effet l'existence d'une grande fluidité des processus d'échange et de compétition entre les acteurs, l'absence de hiérarchie structurelle entre eux. Or, l'étude rétrospective du suivi des installations classées et des résidus industriels dangereux, en France, depuis 1975 ne permet pas de valider une telle hypothèse. Dans cette configuration, comme dans celle de la "coalition Semeddira", de multiples "réseaux socio-politiques"805 s'organisent en un système de relations relativement structurées. Ils convergent et se nouent autour d'un élément central : la communauté de politique publique. "L'ensemble autorités/secteur concerné forme ainsi, pour reprendre l'expression d'Heclo et Wildavsky, une “communauté” dont les composantes sont parfois en conflit, parfois en accord, mais toujours en liaison et au travail au sein du même cadre d'action. La communauté est le lien qui unifie et oriente sous chaque enjeu particulier." 806 La communauté que nous étudions n'inclut cependant ni l'ensemble des autorités publiques, ni l'ensemble du secteur concerné mais associe, par des partenariats multiples, un segment de l'Etat ("isolat administratif") : fonctionnaires de l'environnement industriel) et un segment du secteur (responsables industriels : dirigeants d'entreprises industrielles807 et représentants patronaux de l'industrie) au sein la société civile.

Cette communauté gouvernante constitue un premier cercle de délibération politique808 qui, bien que tendanciellement confiné, n'est cependant pas coupé du reste de la configuration : un hallo d'acteurs divers évolue autour de ce cercle et s'y rattache en certains points. Cet ensemble forme un second cercle de délibération politique que nous nommerons réseau de politique publique en le considérant comme un "réseau de réseaux", ou s'entrecroisent des hiérarchies administratives, des relations partisanes, des regroupements professionnels, des associations multiples, des canaux journalistiques, etc. Il s'agit d'un ensemble d'institutions, d'organisations et de services interdépendants ; le réseau constitue un canal de circulation de l'information, un moyen d'accès aux ressources et un vecteur de décision politique. Il constitue l'interface entre la communauté de politique publique et l'ensemble de la population présente sur le territoire national formant un troisième cercle, très marginal, de délibération politique. Selon son accès aux informations et son influence sur les décisions, chaque personne, quel que soit son statut, se rattache à l'un de ces trois cercles concentriques constitutifs du système de gouvernement.

Tableau n°5 : Représentation graphique des éléments structurels du système de gouvernement partenarial dans la configuration de politiques de l'environnement industriel.



Ce modèle remet en question certains aspects essentiels censés caractériser les politiques de l'environnement industriel et en particulier leur dimension bureaucratique : nos observations rejoignent celles faites par J.G. Padioleau sur les politiques sidérurgiques : "l'analyse offerte [interprétation de type bureaucratic-politics] reconstruit un mouvement bureaucratique ascendant où les dossiers faute d'un accord aux niveaux subalternes des administrations remonteraient vers le sommet. Il n'en est rien dans le domaine de l'acier où les stratégies poursuivies sont l'expression d'une coalition fermée réunissant des autorités publiques et des représentants de la profession des sidérurgistes."809. L'observation vaut également pour le domaine de l'environnement industriel. Nous ne parlons cependant pas de "coalition" mais de communauté, afin de souligner la stabilité dans le temps de ce regroupement d'acteurs publics et privés, l'homogénéïté de sa culture politique, l'étroite interdépendance des personnes physiques et morales ainsi réunies dans un partenariat global et permanent, afin aussi de la distinguer clairement de la "coalition de projet" telle qu'elle a été définie810 pour la "politique partenariale" qui devait s'achever une fois atteints les objectifs de la Semeddira.

Cette communauté ne sera pas qualifiée de "fermée" mais de confinée pour rappeler que sa cloture bien que réelle n'en est pas moins partielle. Ce confinement est un huis-clos relatif qui peut être défini comme le maintien en des limites étroites (celles de la communauté gouvernante) de la diversité des catégories d'acteurs participant à l'élaboration des décisions politiques et, corrélativement, la rétention dans les mêmes limites des informations relatives aux conditions de formation de ces décisions. Ce confinement est propice à la pérennité de ce type de regroupement dont l'homogénéité, note Y. Mény, "résulte fréquemment de l'intervention des pouvoirs publics, eux-mêmes intéressés à ne pas être soumis aux surenchères du pluralisme social et à la concurrence du “marché” des intérêts".811 Au sein de la communauté de politique publique existent certes des sous-catégories, des coalitions ponctuelles, des clans et des courants. Mais ces conflits intracommunautaires ne sortent pas ou très peu d'une perspective bien analysée par P. Grémion, à partir d'un autre domaine : "éviter (...) que le conflit ne sorte de l'isolat, en faire une affaire de famille, donc tenter de traiter le conflit entre fonctionnaires et notables sans intervention extérieure."812 Dans notre modèle, les "industriels" remplacent les "notables" et ce n'est pas seulement l'isolat administratif qui est confiné mais la communauté gouvernante dans laquelle il s'inscrit. Ce confinement correspond à une tendance sociologique ; il ne présente pas de caractère absolu. Si tel était le cas, en effet, il faudrait admettre que les deux ensembles se confondent, c'est à dire que la configuration dans sa globalité se réduit à la communauté gouvernante. Or cette hypothèse, nous le montrerons, ne résiste pas à l'analyse des faits : il existe des facteurs de déconfinement ponctuel tant du côté de l'Etat que de la société civile. Cependant ces facteurs interviennent à la marge sans modifier les éléments structurels du système de gouvernement.

Loin de faire une présentation exhaustive de cette configuration de politique publique, nous aborderons les éléments qui structurent fondamentalement le système de gouvernement partenarial : "l'isolat administratif" et les relations qu'il entretien avec le reste de l'Etat (section 1) ; les relations internes et la communication externe de la communauté qui gouverne ces politiques publiques (section 2) ; le maintien à distance des autres acteurs de la société civile, insérés ou non dans le réseau de politique publique (section 3).



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