404 la norme linguistique l'occultation du caractère maternel de la langue nationale



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XXIII


La norme lexicale et le classement des canadianismes

Par Jean-Yves Dugas

Même si, de prime abord, la question des canadianismes -terme discutable sur lequel nous reviendrons plus loin - peut apparaître un sujet de réflexion rebattu à propos duquel il est difficile d'apporter des éléments nouveaux, à l'analyse, pour peu que l'on prospecte le domaine, on se rend compte qu'il n'en est rien. En effet, le mot lui-même n'a pas un siècle et la philosophie qu'il sous-tend est encore plus récente. De plus, les discussions, qui ont été soulevées depuis le début du siècle à propos de la spécificité linguistique du Québec, ont eu cours entre des groupes relativement res­treints et peu nombreux, de sorte que le débat a été circonscrit à quelques « écoles », d'où la récurrence des arguments et des positions.

Même si le sujet des canadianismes a fait l'objet des préoccupations sporadiques d'un nombre respectable de Québécois depuis 1888, une véritable remise en question ne date que de quinze ou vingt ans tout au plus.

Qui plus est, le canadianisme a souvent été envisagé en soi, de façon interne, sans que l'on se préoccupe suffisamment du milieu sociolinguistique dans lequel il baigne. Cette vision introvertie n'a pas suffisamment fait res­

sortir ni tenu compte du phénomène de la norme qui joue un rôle important dans le faciès linguistique de toute société qui possède un minimum d'orga­nisation institutionnelle.



Ainsi, le présent texte vise à jeter un éclairage, à tout le moins renou­velé, sur les rapports obligatoires que doivent entretenir un idéal linguistique social et le véhicule d'une spécificité culturelle, soit le bon usage et l'usage.

A l'heure où la société québécoise vit une intense remise en question de son authenticité, une telle réflexion trouve, selon nous, si tant est qu'il faille en justifier la nécessité, toute sa raison d'être.



Langue québécoise et implications politiques

La place qu'occupe le Québec dans la francophonie internationale s'est singulièrement modifiée au cours des vingt dernières années tant du strict point de vue de la langue que de celui, plus vaste mais non moins


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important, de la politique, ces deux domaines constituant un ensemble quasi indissociable. Les liens que le Québec entretient avec la France plus particulièrement ont permis, et cela parfois au détriment des relations franco­canadiennes - qu'on se rappelle, entre autres, le mot fameux, malheureux pour d'aucuns, du général de Gaulle à Montréal en 1967 - la reconnais­sance, à l'échelle mondiale, du particularisme culturel, partant linguistique, du Québec.

Depuis 1965, les divers gouvernements qui se sont succédé au Québec ont été souvent confrontés, à différents degrés, à la question linguistique, véhicule privilégié de l'identité d'un peuple. Ce n'est pas le fruit du hasard si le législateur, en 1977, reconnaissait au français le statut de langue officielle du Québec, lors de la sanction de la Charte de la langue française. Se posait alors, en filigrane, la question de la norme: qu'entendre par « langue fran­çaise »? Quelle part y occupera le régionalisme?

Langue québécoise et langue française

Si les contacts qui existent entre Paris et Québec revêtent une dimen­sion politique certaine, ils ne cessent de poser le sempiternel problème de la norme québécoise en matière de langue. Le Québec devrait-il ajuster son diapason linguistique à la tonalité du « français international », du « français de l'Hexagone »' ou, au contraire, s'en démarquer entièrement pour véhiculer les particularités d'une québécité souvent exacerbée? S'il fut une époque, peu lointaine, où s'exprimer correctement signifiait recourir à la langue dite du Parisien cultivé, de laquelle forcément devait être exclu tout fait de langage spécifique au Québec, cette période est désormais fort heu­reusement révolue. En effet, tout en tenant compte du phénomène des niveaux de langue, le fait d'émailler son discours ou ses écrits de quelques termes ou tournures particuliers au Québec ne constitue plus l'indice d'une ignorance condamnable ou d'un laisser-aller de mauvais goût.

Parallèlement à la montée du sentiment nationaliste chez nous s'est installée la reconnaissance d'une langue de qualité dont la coloration ré­gionaliste - sans aucune connotation péjorative - se révèle m'arquée au coin d'un désir d'authenticité encore inégalé. Si cette attitude ne peut en aucun cas signifier un rejet systématique d'une langue française dite inter­nationale au profit d'un cantonnement pur et simple dans un régionalisme linguistique chauvin et étriqué, il n'en demeure pas moins qu'on peut y déceler la volonté d'un peuple, fier de son autonomie, de prendre ses dis­

1. Les syntagmes fronçais international et français de !'Hexagone sont accompagnés de guillemets pour marquer, non pas que nous attribuons un sens particulier à ces expres­sions, mais qui elles recouvrent une notion à laquelle on a prêté diverses significations, de sorte qu'elles sont devenues suspectes et tributaires de l'interprétation dont on veut bien les affubler. Nous ne les signalons qu'en vertu de leur fréquence d'emploi très élevée. A ce sujet, Boulanger (1980: 43, 44 et 47) a dénombré quelque 73 termes différents pour désigner le français.

NORME LEXICALE ET CANADIANISMES



tances d'un cousin d'outre-Atlantique, plein de sollicitude, mais un tantinet colonisateur, linguistiquement s'entend.

Afin de saisir adéquatement cette question, par ailleurs ancienne, dans toute son acuité présente, il convient d'examiner les notions fondamentales de norme et de canadianisme avant d'approfondir les implications de l'une par rapport à l'autre et le rôle qu'elles jouent pour le sujet parlant et écrivant d'ici.

Norme et canadianisme: mise au point terminologique

II importe, d'entrée de jeu, de bien préciser en quoi consiste le discours de la norme. Loin de nous l'idée de recenser tout ce qui a été publié sur le sujet, car le cadre restreint de cet article ne suffirait pas à en épuiser la sub­stance. Tout au plus désirons-nous établir notre propre perception de la norme en regard de la lexicologie québécoise.

Le terme norme, pour être bien saisi, doit être mis en parallèle avec les termes règle et toi. Règle et norme partagent une origine semblable, déri­vant de modèles géométriques concrets. Ainsi, regula désigne une « droite

matérialisée qui permet de créer d'autres droites conformes » (Rey, 1972: 5) et norma, du grec gnômon, une équerre qui remplit une fonction similaire au niveau de l'angle droit. Quant à lex, il suppose un contexte religieux; la loi constitue un élément auquel on ne peut se soustraire, une coercition dictée par une volonté souvent sans merci. Alors, que la loi, résolument tournée du côté du passé, peut déboucher sur l'arbitraire ou l'injustice, la norme, elle, se situe du côté de la finalité, du jugement de valeur; l'une vise à l'obéissance, même aveugle, l'autre, à la réalisation à partir d'une donnée de base présentée comme modèle. Cependant, une mise en garde s'impose car



« le même mot (norme), utilisé sans précaution correspond à la fois à l'idée de moyenne, de fréquence, de tendance généralement et habituellement réalisée, et à celle de conformité à une règle, de jugements de valeur, de finalité assignée » (Rey, 1972: 5).

On confond de cette façon normal et normatif. Même si les deux notions ne sont pas aussi étrangères qu'onde croirait de prime abord, l'aspect normatif, qui retient ici notre attention, implique un acte de volonté étranger au normal, fruit de l'usage de la moyenne.

Un autre aspect significatif qu'il convient d'envisager réside dans la distinction entre norme linguistique et norme sociale, fondée elle-même sur la binarité du signe linguistique composé d'un signifiant et d'un signifié. L'unité

lexicale est en effet soumise à des règles de structuration identiques aux constructions phrastiques tant sur les plans phonique, morphologique que sémantique afin de jouer pleinement son rôle de représentation du monde dans la langue2. En vertu de sa composante signifié, le signe, en tant qu'élé­



2. Pour de plus amples détails, le lecteur voudra bien consulter Guilbert (1972: particulière­ment 38-44).

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ment lexical mémorisé par la communauté, joue nécessairement un rôle social en témoignant de la structure de cette communauté, elle-même assujettie à une norme commune. D'où il ressort que la définition même de lexique implique l'existence d'une tradition linguistique, envisagée en synchronie ou en diachronie, qui fixe en majeure partie l'utilisation des lexèmes et qui se trouve transposée dans un ouvrage lexicographique, reflet de la langue en tant qu'institution. Enfin, la norme sociale qui préside à la description du lexique témoigne de divers palliers d'utilisation (populaire, trivial, fami­lier, etc.), autrement dit de niveaux de langue, tout en signifiant, tantôt le rejet de termes désuets, tantôt l'adoption de formes ou de sens nouveaux. En somme, norme lexicale et norme sociale constituent les deux facettes quasi indissociables de l'interventionnisme en matière linguistique.

Si un terme requiert que sa teneur soit rigoureusement précisée, c'est celui de canadianisme qu'on a utilisé souvent à plus ou moins bon escient, sans tenir compte ni de sa valeur historique ni de son contenu sémantique.

Dans son acception générale, un canadianisme consiste en un fait de langue - qu'il s'agisse d'une tournure ou d'un mot - caractéristique du français parlé au Canada. Or, le Canada occupe une superficie considérable, de telle sorte que le français qui y est parlé est loin, tant s'en faut, d'être homogène.

En effet, si le Québec peut se targuer de compter le plus grand nombre de francophones au Canada, et de constituer, par le fait même, la plaque tournante de la francophonie en Amérique, ïl ne faut pas négliger la masse importante, bien que quantitativement plus restreinte, de ceux que l'on a étiquetés francophones hors-Québec, et qui ont noms Acadiens, Franco­Ontariens, Fransaskois, Franco-Colombiens, Franco-Albertains. Ces der­niers présentent, bien qu'à un degré moindre, des traits linguistiques qui leur sont propres, en raison même de leur situation géographique.

C'est pourquoi le terme canadianisme, appliqué systématiquement et séculairement à des faits de langue qui émanent de lieux, de groupes sociaux et même de peuples (Amérindiens, Inuit) si divers, ne convient pas parfaitement. Afin de ne pas alourdir indûment notre démonstration, nous nous limiterons à quelques exemples en guise d'illustration.

La grande majorité des ouvrages lexicographiques qui consignent les faits de langue particuliers au français du Canada puisent la presque totalité de leur corpus lexical dans la langue québécoise, c'est-à-dire, celle

parlée et écrite dans les différentes régions de la province. À ce moment, il vaudrait mieux renoncer au relent historique véhiculé par le terme cana­dianisme pour lui préférer celui, beaucoup plus juste et répondant aux aspi­rations culturelles des Québécois d'aujourd'hui, de québécisme. Cette re­commandation ne comporte, du moins dans notre esprit, aucune connotation politique ou nationaliste, mais vise à substituer à un terme forcément ina-


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déquat un lexème plus précis et plus acceptable sur le plan scientifique. Il faudrait, également, bien circonscrire la notion de québécisme, car, au cours des siècles, le français du Québec - à l'origine, le français de France - s'est enrichi d'un certain nombre de vocables particuliers aux autochtones avec lesquels nos ancêtres ont entretenu des rapports. Même si plusieurs de ces termes ont été intégrés dans la langue québécoise, il convient de les distinguer en raison du fait que plusieurs d'entre eux, non adaptés graphique­ment ou phoniquement, sont encore perçus comme étrangers à la langue d'ici.

C'est le cas des amérindianismes, mots ou touruies particuliers aux Indiens d'Amérique et, dans le cas qui nous occupe, aux peuples amérindiens qui habitaient le Québec avant l'arrivée des Blancs. À titre d'exemples, des

termes comme sagamité, mitasse, achigan, matacher, etc., devraient être considérés spécifiquement comme des amérindianismes.



Les acadianismes devraient, en outre, être soigneusement distingués, étant donné qu'ils ressortissent à une culture fort particulière qui a évolué très différemment de celle du Québec. Rappelons que lapopulation aca­dienne, concentrée au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, a égale­ment été disséminée sur une bonne partie du territoire québécois, notam­ment en Gaspésie, aux îles-de-la-Madeleine, dans Bellechasse, dans la région de Montréal (L'Assomption notamment) et sur la rive sud du Saint­Laurent (Nicolet, Bécancour, Yamachiche, etc. ), donnant naissance, sur un plan toponymique, à autant de nouvelles « Petites Cadies ». Consé­quemment, cette rencontre de deux modes de vie et de deux cultures ne devait pas manquer de provoquer une symbiose tout à fait particulière.

Ainsi, comme le signale avec justesse Geneviève Massignon, « tout en ayant un fonds commun (français populaire et faits de langage couvrant une grande surface dans l'Ouest de la France), le "canadien" et l"`acadien"

présentent des différences très nettes » (Massignon, 1962: 100). En voici quelques exemples. La notion que le français universel exprime par le terne blizzard est rendue en québécois par poudrerie alors que l'acadien recourt à une panoplie de termes comme foudrillement, foutreau, poudrage, poudrin, poudrement et poudrerie. Il en va ainsi de l'acadianisme berlicoco par rapport au québécisme cocotte pour désigner le cône des conifères, de richepeaume par rapport à huard au cou rouge (plongeon du Nord), de bonhomme couèche au lieu de siffleux (marmotte), de remeuil en face de pair pour dénommer le pis de la vache, etc. Ces quelques exemples suffi­sent, à notre avis, à démontrer qu'il convient, au nom d'une saine orthodoxie linguistique, de distinguer les faits de langue spécifiques au Québec et ceux qui sont restés encore très vivants chez nos « cousins » acadiens.



Des observations similaires pourraient être faites, bien qu'à un degré moindre, à propos de l'inuktitut dont nous suggérons, pour les besoins du présent travail, d'étiqueter les réalisations d'ordre lexical « inuitismes ».

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Si des termes comme kayak, igloo et anorak3 font partie intégrante du patri­moine linguistique du français dit universel, des lexèmes comme coméüque, sorte de traîneau, umiaq, bateau collectif, etpitouc, petites barres reliant les deux patins parallèles d'un traîneau, bien que faisant partie de la langue générale, connaissent au Québec une fréquence d'utilisation qui incite à les considérer comme des phénomènes linguistiques propres au Nord du Qué­bec.

Comme on peut le constater, le terme canadianisme, s'il ne mérite pas d'être écarté systématiquement sans autre forme de procès du vocabulaire de la linguistique québécoise, doit, par contre, être manié avec prudence et réservé exclusivement pour désigner des phénomènes lexicaux qui ont cours dans l'ensemble du Canada.

L'équivoque qui entoure l'utilisation et le contenu sémantique du terme canadianisme est un phénomène que nous qualifierons d'archaïque. En effet, à partir de 1763, date de la conquête du Canada par les Anglais, on

a pris l'habitude de désigner par le terme de Canadiens les habitants d'origine et de langue française. Il en fut ainsi pendant nombre d'années et ce n'est qu'après la Confédération que le territoire s'étendant de l'Atlantique au Pacifique a vraiment été reconnu comme la patrie de Canadiens, d'origines diverses, Français, Anglais ou autres. Mais, lorsqu'est né au XIXe siècle le terme canadianisme, il s'est chargé, mutatis mutandis, de la même connotation que le terme canadien à l'origine sans distinction des spécificités qu'il recouvrait Cela dit, pour la commodité de la lecture, nous signalons que dans la suite de l'article, nous utiliserons le terme québécisme en lieu et place de canadianisme, eu égard aux faits précédemment exposés; lors­que nous recourrons à ce dernier, ce sera dans une optique historique ou pour respecter la terminologie d'un auteur particulier. Dans ce cas, nous respecterons les divers sens ou réalités que le terme véhicule.



Le choix des québécismes: une brève rétrospective

Aborder le problème de la normalisation, c'est, du même coup, poser la question du choix. En effet, toute nomme présuppose une option, une hiérarchisation, un rejet ou une sanction. C'est pourquoi jl nous semble éclairant d'effectuer une brève rétrospective des principaux jalons du traite­ment lexicographique des québécismes. A travers les choix effectués et la nature des ouvrages, on pourra mieux saisir la lente émergence d'une norme dont la caractéristique principale est d'être assez stable et de n'évoluer que fort lentement

3. D convient de noter que la graphie des formes translittérées de rinuktitut syllabique varie souvent sensiblement de celle fixée par le français. Dans le cas présent, à kayak cor­respond qajaq, à igloo, iglou (variante également fournie par les ouvrages lexicographiques français), à anorak, annuraaq, à coméüque, gometiq et à pitouc, pitu. Quant à umiaq, la forme demeure la même. Nous remercions madame Martyne Samson, anthropologue, responsable du dossier amérindien à la Commission de toponymie du Québec, de nous avoir fourni des informations précieuses à ce sujet.

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Nous n'avons nullement l'intention de faire l'historique complet de la lexicographie québécoise; nous désirons plutôt présenter au lecteur quelques oeuvres essentielles qui ont contribué, chacune à leur façon, à la consignation et, dans une certaine mesure, à l'évolution d'un corpus lexical authentique­ment québécois. Pour plus de détails et pour un exposé très circonstancié, on se reportera à Juneau (1977: 13-55).

Nous estimons que l'histoire de la lexicographie québécoise et celle des québécismes s'articule autour de trois périodes fort inégales mais toutes aussi importantes pour la compréhension du phénomène normatif en lexico­logie au Québec. La plaque tournante de ces trois moments est constituée par le Glossaire du parler français au Canada, ouvrage de première im­portance qui marque une étape décisive dans l'histoire des Québécois, alors que les deux siècles qui précèdent sa parution peuvent être considérés comme une période de balbutiements au niveau de l'analyse et de la con­signation des mots de' notre langue. En dépit de ses faiblesses et de ses erreurs, le Glossaire n'en constitue pas moins la « bible » à laquelle viendront s'alimenter quelques générations de lexicographes et de chercheurs. Après sa parution, la langue québécoise, ou du moins l'attitude qu'on entretient envers elle, ne sera plus jamais la même. On passera insensiblement de l'ère pré-normative ou peu normative à l'ère normative, en passant par cet ouvrage capital, anormatif, qui constitue donc un point tournant

Les pionniers

Le père Pierre-Philippe Potier a effectué, entre 1743 et 1758, une série de relevés dialectologiques consacrés aux éléments les plus remarquables de la langue parlée dans la Nouvelle-France de cette époque. Ses Façons de parler' ont été publiées dans le Bulletin du parler français au Canada entre 1904 et 1906.

Ce qui constitue l'intérêt principal de cette oeuvre, outre le fait qu'elle soit la première d'importance consacrée au langage d'ici, c'est sans doute que les matériaux consignés par le jésuite belge nous renseignent sur une

grande quantité des particularités de la langue parlée des petites gens d'alors.



On peut y relever, entre autres, nombre d'éléments dialectaux et archaïques, moins intéressants pour notre propos que ces savoureux néo­logismes d'époque qui émaillent la prose de bien des littérateurs québécois comme bordée (de neige), poudrerie, bordages, balise, etc. Les amérin­dianismes représentent également une partie importante des Façons de parier, d'une part, en vertu du fait qu'ils constituent un apport important et original à la langue québécoise et, d'autre part, parce que certains d'entre eux ont pénétré dans le français général; tels sont, en guise d'illustration, des termes comme ouaouaron, maskinongé, caribou, manitou, etc.

4. Le titre exact de cet ouvrage est Façons de parler proverbiales, triviales, figurées, etc., des Canadiens au XWIt* siècle, le titre original ayant été modifié par le Comité du Bulletin du parler français au Canada.

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Quant à la préoccupation normative, on peut affirmer qu'elle en est absentes. En effet, le père Potier se contente, à la manière d'un enquêteur objectif, de consigner les phénomènes linguistiques qu'il relève (lexicaux, phonétiques, syntaxiques ou autres) sans les assortir de remarques ayant trait aux niveaux de langue ou qui traduiraient son sentiment personnel sur tel ou tel terme. Ainsi, les Façons de parler nous livrent en vrac et sans manière une riche moisson de termes de chez nous, sans flétrir les uns ou magnifier les autres, de façon objective et « scientifique » - si on se replace dans le contexte du milieu du XVIIle siècle et si on excepte les fréquentes erreurs explicatives, inévitables dans un tel travail. Cet ouvrage précieux marque le début d'une étude objective de la langue québécoise qui se prolonge encore aujourd' huj.

Le deuxième ouvrage lexicographique d'importance dans l'histoire du Québec, celui de Jacques Viger, a aussi été publié par la Société du parler français. Mais là s'arrête la similitude avec celui du père Potier.

Bien que Viger, dans sa Néologie canadienne" interrompue en 1814, se soit sporadiquement inspiré des notes de son prédécesseur, comme le signale Juneau (1977: 26), le matériel qu'il présente est sensiblement différent, en particulier quant à la présence d'anglicismes comme appointe­ment au sens de « pension, gages », décent, « beau, honorable », etc. De -plus, ses commentaires sont nombreux et pertinents, tant en ce qui a trait à la localisation géographique de tel terme qu'à sa propension à fournir les séries synonymiques qui gravitent autour d'une notion centrale.

Pour ce qui est de la norme, disons que Viger adopte une attitude timide, voire prudente. Loin de condamner une tournure ou un mot, il signale cependant sa singularité par une expression du type « ici nos habitants font usage... ». Il s'agit plutôt d'une description différentielle de notre parler que d'une condamnation sans appel du type dites, ne dites pas. On demeure loin encore des recueils de l'abbé Blanchard>'.

Avec les glossaires d'Oscar Dunn, de Sylva Clapin et de N.-E. Dionne, nous entrons de plain-pied dans la lexicographie québécoise moderne. Si



5. Il faut bien se garder d'une interprétation trop hâtive du titre de l'ouvrage. En effet, même si on y relève le qualificatif trivial, il n'en faut pas conclure que Potier recourait à une norme au cours de l'élaboration de son ouvrage. D'abord, il convient de souligner qu'il n'est pas l'auteur du titre (voir la note précédente) et que le terme trivial doit être compris dans son acception de commun, relatif à l'ensemble des gens, sans aucune nuance péjorative. Ce qui, par ailleurs, cadre parfaitement avec le type d'informateurs avec lesquels l'auteur entrait en contact et dont il recueillait le parler savoureux

6. Pour te contenu exact du titre-fleuve de cet ouvrage, on se reportera à la bibliographie.

7. Juneau (1977: 25) signale, entre autres, l'exemple de berline à propos duquel Viger dégage les traits spécifiques à chacun des moyens de transport hivernaux que constituent la berline, le bordel et la carriole.

8. Ecclésiastique québécois, grand pourfendeur de la faute, de l'erreur et de l'inexactitude en tous genres, l'abbé Étienne Blanchard fut surtout un adversaire acharné de l'anglicisme qu'il dénonça dans divers recueils publiés au début du XXe siècle et qui, aujourd'hui, ont sombré dans l'oubli.

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