5. discussion sur l’explosion Dans le batiment 221



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La gravité de l'intoxication oxycarbonée est donc fonction de la quantité de CO fixée sur l'hémoglobine. Son taux est d'autant plus important que la teneur en CO de l'air inhalé est plus élevée et que le temps d'exposition est plus long.


Dans le cas le plus simple où on admet que la concentration en CO de l'atmosphère demeure constante, CHOVIN a montré, à partir des bases expérimentales établies par HANKS et FARQUHAR, que la solution est une équation exponentielle de la forme :

C est exprimée en partie par million en volume (ppm) et t en heures (h). K est un coefficient dit de ventilation, caractérisant les échanges gazeux au niveau des alvéoles pulmonaires. K = 0,025 pour un homme au repos, K = 0,040 pour un homme effectuant un léger travail.


Le tableau suivant donne des valeurs du taux de HbCO (en %) obtenues pour diverses concentrations de CO (en ppm), divers temps d'exposition (en h) et pour K = 0,025 et 0,040, calculées à partir de l’équation de CHOVIN.


T

¼ (15 mn)

½ (30 mn)

1

2

3

5





C


























100

0,6119

1,1982

2,2983

4,24

5,87

8,41

14,65




1000

6,1186

11,9816

22,9832

42,36

58,70

84,09




K = 0,025

5000

30,5928

59,9079

114,91
















10000

61,1856

119,81



















100

0,9666

1,8695

3,5004

6,16

8,19

10,91

14,65




1000

9,6663

18,6949

35,0041

61,64

81,92







K = 0,040

5000

48,3317

93,4744



















10000

96,6634





















Si l'on se reporte au tableau ci-dessus, nous voyons que le taux mortel de 66 % de HbCO peut être obtenu lors de la respiration pendant quelques minutes d'une atmosphère contenant une concentration de l’ordre de 1% de CO.


Seule la détermination du taux d’imprégnation oxycarbonée (HbCO) dans le sang peut apporter la preuve d'une intoxication oxycarbonée.
Le docteur Médecin Légiste Norbert TALMON ayant examiné le corps de M. Alain RATIER (cote D 71) indique que :

  • « les phénomènes cadavériques sont constitués :

  • lividités postérieures marquées, de coloration rouge,

  • la rigidité est banale.

    • L’examen du corps permet de relever les éléments suivants :

      • un écoulement mousseux au niveau des orifices bucco-respiratoires,

      • des brûlures cutanées du second degré au niveau de la face……. ».

Sur la base de ces seules constatations et sans avoir fait un examen de sang, qui seul permet de s’assurer d’une intoxication oxycarbonée comme nous l’avons indiqué, le docteur TALMON conclut que : « L’examen externe du corps de M. RATIER permet d’évoquer un décès compatible avec des phénomènes toxiques, en particulier au monoxyde de carbone, compte tenu de la coloration particulière des lividités et des brûlures cutanées superficielles ».


Nous pourrions aussi faire remarquer que :


    • les lividités sont des exsudats post mortem du sang contenu dans le corps, qui va dans les zones déclives, que le docteur TALMON met en région postérieure, ce qui montre selon toute vraisemblance que M. Alain RATIER reposait sur le dos,

    • la coloration rouge des lividités postérieures n’est pas spécifique de l’intoxication oxycarbonée. Lors d’une telle intoxication, la coloration rouge concerne les muqueuses et l’ensemble des téguments cutanés (notamment la région antérieure, les membres et la face),

    • les brûlures cutanées superficielles du second degré ne s’observent pas dans une intoxication oxycarbonée. Les brûlures superficielles décrites pourraient plutôt correspondre à des brûlures consécutives à un « coup de chaleur »,

    • l’écoulement mousseux au niveau des orifices bucco-respiratoires dont la coloration n’est pas mentionnée dans le rapport du docteur TALMON s’observe lors de tout problème respiratoire lié à un œdème aigu du poumon. Or comme nous l’avons vu au § 5.2.1, lors de sa décomposition par la chaleur le nitrate d’ammonium libère des quantités massives d’oxydes d’azote (NO et NO2 = NOx) qui peuvent provoquer un œdème pulmonaire et la mort par asphyxie ([27] - Annexe IV).

De ce qui précède, il nous apparaît donc que les constatations du rapport du docteur TALMON ne peuvent certainement pas permettre de conclure que le décès de M. Alain RATIER est imputable à une intoxication carbonée.


Comme nous l’avons vu plus haut, l'intoxication oxycarbonée est due à l'inhalation d'une atmosphère contenant du monoxyde de carbone (CO), sa gravité est fonction de la quantité de CO fixée sur l'hémoglobine et le taux d’imprégnation oxycarbonée (HbCO) est d'autant plus important que la teneur en CO de l'air inhalé est plus élevée et que le temps d'exposition est plus long.
Or, lors d’une explosion de gaz méthane à l’air libre, donc dans une ambiance bien oxygénée, il ne se forme pas de monoxyde de carbone. Lors d’une explosion de ce gaz en milieu sous oxygéné, il peut théoriquement s’en former, mais cela n’aurait eu aucune incidence, ce toxique étant plus léger que l’air se dissiperait rapidement dans l’atmosphère avant de pouvoir entraîner une intoxication des personnes présentes sur le site. Donc, même dans le cas d’une explosion de méthane qui aurait précédé l’explosion du bâtiment 221, M. Alain RATIER ne pouvait être victime d’une intoxication oxycarbonée liée à cette explosion en phase gazeuse d’autant que le bâtiment dans lequel il pouvait se trouver a été littéralement détruit par l’explosion, ce qui ne permettait pas une accumulation de monoxyde de carbone.
Une intoxication oxycarbonée mortelle ne peut en effet survenir que dans un volume clos, ce qui est le cas en milieu domestique où on dénombre annuellement plusieurs centaines d’intoxications mortelles consécutives au mauvais fonctionnement de systèmes de chauffage à combustion ou d’incendies et notamment de feux couvant de literies liés à des imprudences de fumeurs.
Il convient enfin de noter qu’aucun signe d’intoxication oxycarbonée n’a été relevé sur les autres victimes décédées et qu’à notre connaissance aucune des victimes blessées dans l’explosion n’a été soignée pour une intoxication oxycarbonée aiguë.


    1. Sur la cause de l’explosion

Rappelons tout d’abord que c’est dans la matinée du 21 septembre que le box du bâtiment 221 a été reconstitué selon l’enchaînement des faits, ci-après :




  • Vers 06 h 15, M. CRAMAUSSEL le conducteur du chouleur de TMG a déchargé, sur le tas principal, un godet de nettoyage venant de I4 (D221, D362, D2549) ;

  • entre 08 h 30 et 09 heures, M. FAURE a déposé au fond du box une benne orange avec environ 10 tonnes de “refus de crible” d’ammonitrates. La benne a été transportée avec un camion poly-benne à crochet qui est entré en marche arrière dans le box (D1057 et D1403) ;

  • avant 10 heures M. MANENT (MIP) a vidé dans le box deux godets de 500 kilogrammes provenant de N1B, contenant du nitrate d’ammonium industriel déclassé provenant du nettoyage de l’atelier et transportés au moyen d’un chariot élévateur (D739 et D4059) ;

  • vers 10 heures, M. FAURE (SURCA) a vidé au fond du box, à l’aide d’une benne blanche de 7 m3, environ 500 kilogrammes de produits blancs, en grains, récupérés dans le bâtiment Demi-Grand (ou 335), constitués, selon notre avis, majoritairement de nitrate d’ammonium industriel et d’autres produits, dont quelques kilogrammes de DCCNa, pelletés au sol du bâtiment 335. La benne a été transportée avec camion poly-benne à crochet qui est entré en marche arrière dans le box (voir reconstitution de la benne 3.3.3) ;

  • environ ¼ d’heure avant l’explosion, M.MARQUE, a traversé le sas de la sacherie en vélo. Il n’a rien remarqué d’anormal, d’inhabituel  (D223) ;

  • 3 minutes avant l’explosion, Monsieur S. BLUME, est passé devant le sas du 221. Il ne signale rien de particulier (D228).




      1. Les hypothèses d’un acte de malveillance




        1. Un attentat par engin explosif

Nous ne reviendrons pas sur les généralités concernant les substances explosives et les dispositifs de mise de feu, -hormis quelques définitions-, rappelés au paragraphe 2.1 et dans notre rapport du 31 août 2004 (D4865).


La mise en détonation des nitrates d’ammonium entreposés dans le bâtiment 221 pouvait résulter :


  • de la mise en œuvre d’un engin explosif improvisé (EEI) posé sur ou incorporé dans le(s) tas de nitrates,

  • du tir d’une munition de fabrication industrielle ou artisanale :

  • grenade à main explosive, offensive ou défensive,

  • grenade à fusil antipersonnel ou anti-véhicule,

  • roquette à tir tendu,

  • projectile de mortier à tir courbe,

  • du tir d’un missile de fabrication industrielle uniquement à notre connaissance.




          1. Schéma type d’un Engin Explosif Improvisé (EEI) 

Il existe un schéma type de l’organisation technique d’un engin explosif improvisé (E.E.I.), à savoir :



  • l’enveloppe,

  • la charge active,

  • le dispositif de mise de feu constitué par l’initiateur/ou artifice d’amorçage et le système de déclenchement.


Caractéristiques générales des éléments constitutifs d’un engin explosif improvisé


  • l’enveloppe a pour rôle soit de camoufler l'engin explosif, soit de générer des éclats vulnérants, soit encore d'assurer ces deux fonctions, véhicule piégé par exemple. Elle présente une grande diversité de forme et d'aspect. Elle sert le plus souvent camoufler l'engin : valise, livre, colis postal, véhicule...Elle peut ne pas exister, être mince (papier, carton, bois), ou constituée d'un métal épais si un effet antipersonnel est recherché en générant des éclats vulnérants (corps de munition, véhicule, extincteur...).




  • la charge active : elle constitue le composant actif de l'engin explosif. Sa nature, et plus encore sa masse, sont fonction de l'effet recherché. Elle peut être explosive (explosif militaire à usage civil ou de fabrication artisanale) incendiaire, mixte ou à effets spéciaux.

Nous nous intéresserons aux seuls engins explosifs.


Le renforcement des effets destructeurs et vulnérants de la charge explosive peut être obtenu soit par sa propre enveloppe lorsqu'elle est en métal épais/ soit par l'association de matériaux sous la forme de mitraille (clous, boulons, plombs, morceaux de verre...).
Au contact et au voisinage des explosifs qui détonent, les matériaux solides, soumis à des pressions très élevées (qui peuvent atteindre plusieurs dizaines de tonnes/cm²) sont rompus et leurs fragments lancés à très grande vitesse. Si la charge explosive repose sur le sol ou en est voisine, une onde sismique est transmise à distance et le sol est retrouvé creusé localement (cratère). Les gaz chauds et sous pression issus de l'explosion et capables d'enflammer les matières combustibles qu'ils rencontrent lancent dans l'atmosphère ambiante une onde de choc responsable des phénomènes dynamiques qui causent des dégâts aux structures et blessent plus ou moins gravement les êtres humains. Ces phénomènes dynamiques sont connus sous le nom d'effet de souffle.
Il est possible de définir deux classes d'explosifs en fonction du mode d'initiation de leur décomposition :
- primaires : dont le seul mode de décomposition est la détonation, l’initiation, pouvant être par simple choc, friction, flamme/ étincelle.
fulminate de mercure Hg (CNO)2


sels de

métaux

lourds
de moins en moins utilisé



• azoture de plomb : Pb (N3)2

• styphnate de plomb : (N0i)3. C6HO2Pb, H2O

(ou tricinate)

• tétrazène : C2H8N10O, compose purement organique

• diazodinitrophénol : C6H2N4O5. composé purement organique également.
- secondaires : dont l’initiation nécessite d'une onde de choc.

On distingue :

• les mélanges d'utilisation industrielle à base de :

- nitrate d'ammonium : les explosifs nitratés dont les nitrates fioul,

- nitroglycéroglycol : les dynamites,

• les gels, bouillies et émulsions,

• les composés explosifs de base d'utilisation essentiellement militaire, les explosifs nitrés :

- nitrés aromatiques (tolite),

- esters nitriques (pentrite),

- nitramines (hexogène, octogène).


Outre ces deux grandes familles de substances explosives de fabrication industrielle à usage civil ou militaire, la charge active d'un EEI peut également faire appel à ce que l'on appelle communément les explosifs de circonstance ou de fabrication artisanale.
On y rencontre les mélanges déjà utilisés à la fin du XIXe siècle, chlorate alcalin (de sodium ou de potassium) associé à du sucre en poudre, du soufre, de l'aluminium, les mélanges de poudres propulsives, simple base (nitrocellulose) et double base (nitrocellulose-nitroglycérine), les compositions pyrotechniques dont la poudre noire. On y trouve également des explosifs performants du type des explosifs en feuille à base de pentrite fabriqués notamment par le groupe terroriste Abou Ibrahim, ou des explosifs à base d'hexogène fabriqués par le groupe terroriste ETA pour la confection de détonateurs pyrotechniques ou électriques, ou encore le T.A.T.P. (triacétone triperoxyde) fabriqué et utilisé par des groupes palestiniens, ainsi que les mélanges associant du sucre, ou de l’aluminium ou du fioul domestique à du nitrate d’ammonium.


  • l’initiateur ou artifice d'amorçage : il est destiné à provoquer la détonation de la charge explosive. Un engin est "armé" lorsque tous ses dispositifs de sécurité et d'armement ont été enlevés et qu'il peut fonctionner.

Il est possible de classer les initiateurs suivant les effets qu'ils produisent.
- combustion-déflagration : on y distingue les modes de mise en œuvre suivants :

• mécanique : amorces et capsules à percussion, rugueux, ampoules flash à percussion,

• chimique : association de produits chimiques incompatibles par exemple acide-chlorate alcalin ou sodium-eau,

• pyrotechnique : allumettes, mèche lente (constituée par une âme de poudre noire enveloppée dans une gaine de textile imperméabilisée, diamètre extérieur de l’ordre de 5 mm, qui est un artifice de transmission de la flamme qui se propage, pour les mèches françaises à la vitesse de 1 cm/s environ), mèche à étoupille, à amadou, tampon périodique...,

• électrique : - filament de lampe électrique ou de tête d'allume-gaz,

- ampoule flash,

- inflammateur (dispositif produisant une flamme apte à entraîner la combustion) ou allumeur électrique (dispositif pyrotechnique comprenant au moins un initiateur).
- détonation : détonateurs :

. pyrotechnique : composant, qui excité par un signal pyrotechnique (jet de flamme ou onde de choc), produit une onde de choc capable de provoquer la détonation d’un explosif secondaire ;

. électrique : détonateur pyrotechnique assemblé avec un inflammateur électrique et pouvant comporter un retard pyrotechnique ou électronique,

. cordeau détonant : constitué d’une gaine souple en matière synthétique contenant une âme d’explosif brisant (PETN-RDX). La charge explosive varie selon l’usage envisagé (charge la plus courante, 10 à 12 g/m). Il transmet la détonation de manière quasi instantanée à une ou plusieurs charges.




  • le système de déclenchement : il est destiné à entraîner le fonctionnement de l'initiateur, au moment, et dans les conditions voulues par le concepteur de l'engin. Il est commandé par un dispositif d'armement qui le fait passer de l'état de repos à l'état armé et qui constitue une sécurité de pose pour le terroriste lorsque cet armement est différé. Le dispositif d'armement peut être réversible.

On distingue les systèmes à fonctionnement instantané, retardé ou commandé.



- Instantanés :

- mécaniques : percuteur à ressort bandé, libéré par l'action de pression, traction, relâchement..

- électriques : contacteurs fermant le circuit électrique par :

    • traction (pince à linge),

    • pression (commutateur à pression),

    • relâchement (commutateur de portes de frigo ou voitures...),

    • ébranlement (vibreur à bille/ à goutte de mercure...),

    • perforation (feuilles métalliques isolées percées),

    • variation de champ magnétique,

    • retrait de source d'énergie (relais excité...).

- électroniques : contacteur fermant le circuit électrique par ;

    • variation d'éclairement (cellules photo sensibles...),

    • bruit (micro),

    • rupture de fil,

    • intrusion (alarmes à ultra-sons - volumétriques - infra-rouge),

    • émission de toutes sortes de rayonnements.


- Retardés :

- mécaniques crayon allumeur à rupture de plomb,

- chimiques crayon allumeur, stilligoutte…,

- électriques réveils, montres,

épuisement d’une source d’énergie avec relais,

variations de température (bilame),

variations de pression (altimètre),

- électroniques décharge de condensateur,
circuits intégrés,

cellules électrolytiques,



- biologiques gonflement de légumes secs par l’eau.
- commandés par ligne de tir (FLN. IRA),

par téléphone

et par radiocommande.

Le schéma, ci-après, figure l’organisation type d’un EEI :

5.8.1.1.2 Rappel des opérations effectuées
Comme nous l’avons indiqué au § 3.2 et dans notre rapport du 31 août 2004 (D4865), dès leur arrivée sur les lieux dans l’heure ayant suivie l’explosion, deux d’entre nous, MM. Dominique DEHARO et Daniel VAN SCHENDEL, se sont attachés, s’agissant d’un possible acte de malveillance :


  • d’une part, à rechercher des vestiges d’un éventuel engin explosif EEI et/ou d’une munition,

  • d’autre part, à prélever dans le cratère et son voisinage toutes sortes de matériaux déformés ou tordus, présentant notamment des maculations suspectes ou des marques de fusion ou de cratérisation pour rechercher ultérieurement en laboratoire s’ils supportaient la présence de traces de résidus de détonation d’une substance explosive qui aurait pu être mise en œuvre par malveillance pour perpétrer un attentat par EEI ou une munition contre le bâtiment 221.

Comme nous l’avons indiqué au § 3.2.1, la collecte des débris de matériaux susceptibles de s’être trouvés au voisinage de l’engin explosif a été effectuée en tenant compte des renseignements quant à la construction et à l’aménagement du bâtiment 221, siège de l’explosion.


Elle a également été conduite sur l’ensemble du site de l’usine A.Z.F, et à l’extérieur dudit site, tant sur l’emprise S.N.P.E., que sur celles des autres entreprises jouxtant A.Z.F. et sur le domaine public.

En outre, de nombreux essuyages à sec avec des tampons de coton stériles, et des lavages avec des tampons imprégnés d’acétone puis d’eau, ont été effectués sur les débris non transportables.

Avant et pendant la mise sous scellés des prélèvements, les débris prélevés ont été minutieusement examinés à l’œil nu et au moyen d’instruments d’optique en vue d’identifier éventuellement des éléments constitutifs d’un engin explosif. Ces examens minutieux se sont révélés négatifs.
Nous avons bien conscience que ces recherches ne pouvaient prétendre être totalement exhaustives eu égard à la violence de l’explosion et à l’importance de ses effets destructeurs. Toutefois, la collecte et le tri de ces très nombreux débris se sont opérés durant plusieurs mois, ce qui a permis, d’une part, à l’ensemble des experts du collège d’y participer et, d’autre part, un ratissage particulièrement minutieux du site. La grande quantité de prélèvements et de frottis opérés a permis d’avoir un échantillonnage représentatif.

A ce propos, et contrairement à une idée reçue, les experts peuvent dire que le coefficient d’identification de la nature d’une charge explosive et de l’organisation de l’engin après attentat, par des organismes et personnels spécialistes de ce type d’affaire, est très élevé.


Ainsi, les laboratoires de police scientifique français et le LCPP de Paris parviennent à reconstituer l’engin après attentat par explosif dans plus de 90% des cas et quelles que soient les circonstances.

On pourrait citer à ce propos l’attentat contre le DC 10 de la compagnie UTA perpétré en 1989. Le traitement des débris de l’avion dispersés sur plusieurs dizaines de kilomètres carrés dans le désert du Ténéré a permis d’identifier la nature de l’explosif et la constitution de l’engin.



S’il est vrai que l’explosion du bâtiment 221 n’est pas comparable à un simple cas de voiture piégée, comme l’indique M. BOURGOIS, il convient de relever que, lors d’attentats, perpétrés au moyen de très importantes charges explosives de une à plusieurs tonnes de substances explosives dissimulées dans des camions, fourgonnettes ou véhicules légers, ayant occasionnés des pertes en vies humaines et des dégâts matériels supérieurs à ceux observés le 21 septembre 2001 sur l’agglomération toulousaine, -tels ceux d’Oklahoma City, de Beyrouth en 1983, et contre des ambassades des Etats-Unis à Beyrouth, au Kenya et en Tanzanie-, des enquêteurs spécialisés, -notamment américains et israéliens-, avec lesquels nous avons travaillé, ont toujours réussi à identifier la nature des substances explosives mises en œuvre.
Les débris et matériaux prélevés, qui ont été placés sous scellés, correspondent à de très importantes quantités de matières diverses, -métaux, matières plastiques, bois, papiers, effets vestimentaires de victimes (Hassan JANDOUBI, Tahari ABDERRAZAK, Ramahe FARAMAIVO)-, et à de nombreux tampons de coton (essuyage à sec, à l’acétone et à l’eau).
Ces scellés sont définis, ci-après :



Référence du scellé


Nature du prélèvement







14 CO PV 539  :

Débris de tôles déchiquetées et déformées, un gobelet, un morceau de papier

28 CO PV 539  :

Morceau de tôle argenté compressé et distordu

29 CO PV 539  :

Divers débris métalliques, un morceau de papier

31 CO PV 539  :

Divers débris métalliques

33 CO PV 539  :

Divers débris métalliques

35 CO PV 539  :

Quatre grands sacs contenant des débris métalliques déchiquetés et distordus

46 CO PV 539  :

Des morceaux de tôle et de matériaux synthétiques

57 CO PV 539  :

Des tampons de coton hydrophiles de frottis de charpente

63 CO PV 539  :

Un grand morceau de tôle

VL 1A PV 539 /01  :

Des débris métalliques

VL 2A PV 539/01 :

Des débris métalliques

VL 3A PV 539/01 :

Des débris métalliques

EC17 UN PV 537/B /1/43 :

Effets vestimentaires de Tahiri Abderrazak (un pantalon de couleur bleue ayant été découpé au ciseau, une veste bleue découpée au ciseau, un slip noir, un polo vert, des chaussures de sécurité, des chaussettes

JD UN PV 537/B/1/35 :

Effets vestimentaires de Hassan Jandoubi (un pantalon de couleur bleue, un tee-shirt gris, un short bleu marine, un caleçon gris, un slip gris, un caleçon vert à motifs, une chaussure et chaussettes de sport

EC 3 DEUX PV 537/B/1/2 :

Effets vestimentaires de Ramahe Faramaivo (un pantalon de jogging, un tee-shirt, des chaussettes de sport et des chaussures de sécurité)

Ces prélèvements étaient souillés de poussières diverses.


Les analyses en laboratoire sur la totalité des prélèvements réalisés ont ensuite concerné la recherche de constituants organiques et/ou minéraux pouvant provenir de substances explosives.

Malgré la très grande sensibilité des méthodes analytiques mises en œuvre, les analyses n’ont pas conduit, à la mise en évidence de la présence d’un (ou de plusieurs) constituant(s) organique(s) des substances explosives à usage civil ou militaire  les plus couramment utilisées pour commettre des attentats par explosifs : dynamites, explosifs nitratés, pentrite, hexogène, tolite…..

Quant à la recherche de constituants minéraux pouvant provenir de substances explosives qui a été gênée par la présence massive de nitrate d’ammonium souillant tous les prélèvements, elle a montré, indépendamment donc des ions nitrate, nitrite et ammonium souillant tous les prélèvements, la présence sur certains prélèvements de :


  • chlorure (scellés 14 CO PV 539, 46 CO PV 539, 63 CO PV 539),

  • sodium (scellés 28 CO PV 539, 29 CO PV 539, 31 CO PV 539, 63 CO PV 539),

  • sulfate (scellés 14 CO PV 539, 46 CO PV 539, 57 CO PV 539, VL 1A PV 539),

  • potassium (scellés 14 CO PV 539, 28 CO PV 539, 63 CO PV 539).

Ces résultats font apparaître la présence simultanée des ions chlorure et sodium sur le scellé 63 CO PV 539 constitué d’un grand morceau de tôle. Il convient de noter que ces ions chlorure (Cl-) et sodium (Na+) bien que particulièrement abondants dans la nature n’ont été mis en évidence que sur un petit nombre de prélèvements opérés dans le voisinage du bâtiment 221.

Ces ions chlorure et sodium, qui n’entrent pas dans la formule du nitrate d’ammonium (NO3NH4), ne peuvent donc pas provenir de la décomposition des nitrates d’ammonium entreposés dans le hangar 221, ni d’une pollution de fond. En revanche, ils entrent dans la molécule du dichloroisocyanurate de sodium (DCCNa) dont la formule brute est C3N3O3Cl2Na.

La conclusion de ces investigations analytiques est que les prélèvements réalisés sur les lieux de l’explosion ne supportent aucune trace de constituant organique des substances explosives à usage civil ou militaire.
5.8.1.1.3 Discussion
Il y a lieu de noter qu’une telle substance explosive qui aurait pu constituer le relais d’amorçage indispensable à la mise en détonation du (ou des) nitrate(s) d’ammonium stocké(s) dans le hangar 221, qu’il s’agisse du tas principal ou du tas présent dans le box, ne pouvait pas être d’une masse inférieure à cinquante kilogrammes. Pour amorcer un tas de 8 tonnes de nitrate d’ammonium pur pour engrais, et conférer au dit nitrate d’ammonium une vitesse de détonation voisine de 3460 m/s, comme l’ont démontré les travaux effectués au Canada pour l’Institut canadien des fertilisants, par A. KING, A. BAUER et R. HEATER de la Queen’s University à Kingstone dans l’Ontario (Canada), décrits dans « The detonation properties of ammonium nitrate prills » (novembre 1978) [12 – annexe IV], la charge explosive mise en œuvre était de 96 livres (livre anglaise = 453,6 grammes), dans un mélange de produits ne présentant pas des caractéristiques explosives élevées.
Ces auteurs font apparaître que la masse critique du bousteur pour le nitrate d’ammonium agricole est de 50 livres (masse reprise dans l’Etude des Dangers établie par Grande Paroisse (usine de Rouen) en juin 2002. Ils précisent cependant dans le tableau II de la page 79 de leur publication que pour du nitrate d’ammonium de haute densité (0,92 g/cm3) :


  • le relais d’amorçage, -ou bousteur-, de masse :

  • 96 livres induit une vitesse de détonation de 3460 m/s dans le nitrate d’ammonium,

  • 66 livres induit une vitesse de détonation de 2420 m/s,

  • 32 livres n’induit pas de détonation du nitrate d’ammonium,

  • 47 livres induit une vitesse de détonation de 2140 m/s .

Ces mêmes auteurs indiquent que pour le nitrate d’ammonium industriel, « explosive grade », la masse critique du bousteur est voisine de 500 grammes de TNT pour initier la détonation d’une charge de 10 centimètres ou plus de diamètre sous un fort confinement.


Par ailleurs, comme il a été dit précédemment, malgré un tri minutieux et le ratissage de surfaces importantes, tant sur le site d’A.Z.F. qu’aux alentours, aucun vestige provenant d’un engin explosif improvisé ou d’une munition n’a été détecté parmi les débris triés et collectés ou lors de l’extraction de la terre et des gravats qui avaient comblé le cratère de l’explosion à l’aplomb du hangar 221.
La mise en place d’un tel engin explosif improvisé, relais d’amorçage de masse voisine de 43,5 kilogrammes (96 livres) de TNT dans le tas principal quelques jours avant l’explosion, ne pouvait pas échapper à la vue des personnels oeuvrant dans le hangar 221 et dans les bâtiments voisins, et son introduction sur le site se serait heurtée également à la vigilance des gardiens de l’entrée de l’usine, fortement sensibilisés depuis les événements tragiques survenus aux Etats-Unis le 11 septembre 2001, notamment du fait de l’activation du plan VIGIPIRATE. En outre, le tas a été remanié la veille, en fin d'après-midi.

Enfin, cette hypothèse doit être rejetée de manière irréfutable compte tenu des résultats des travaux conduits par Messieurs JL LACOUME, F. GLANGEAUD et


M. DIETRICH (rapport du 17 novembre 2005 – D6465), et D. BERGUES (rapport du 24 janvier 2006. D6721 à D 6726), qui démontrent que l’unique explosion, survenue à Toulouse le 21 septembre 2001, a été initiée à l’extrémité Est du cratère, c’est-à-dire dans le box.
Une telle charge d’amorçage du tas disposé dans le box ne peut être retenue du fait que son contenu a été reconstitué le matin même, avec de nombreuses allées et venues avant l’explosion, sans parler des rondes régulières évoquées par Monsieur BIECHLIN (D 4763).
L’hypothèse d’un attentat perpétré par simple épandage de fioul domestique sur l’un des tas de nitrate dans le hangar 221 et amorçage de ce pseudo explosif nitrate-fioul ainsi constitué au moyen d’un simple détonateur mis à feu à retardement ou instantanément ou à distance, n’est pas crédible. Les essais réalisés, sous nos directives au polygone d’essais du site LACROIX de Mazères (Ariège), dont le compte rendu est joint en annexe XVI, confortent notre avis.
En effet, la mise en détonation du nitrate-fioul réalisé sur place implique que ce dernier soit correctement réalisé par un mélange intime de ses constituants dans des proportions bien déterminées : 94 % de nitrate d’ammonium industriel et 6 % de fioul, et amorcé par un détonateur mis à feu par l’un ou l’autre des dispositifs précédemment décrits.
Dans notre cas, il aurait fallu constituer un relais de NAI-fioul, mélangé intimement et de manière homogène, de plus de 53 kg, correspondant à 43,5 kg de TNT, pour amorcer les tas de NAI placés au contact.
Le nitrate d'ammonium en cause doit présenter une porosité et une masse volumique apparente (MVA) satisfaisantes (MVA voisine de 0,70). Ce n'est pas tout à fait le cas, car seuls les 3 tas de NAI de 500 kg environ présentaient ces caractéristiques. En outre, l'odeur puissante et caractéristique du fioul domestique n'aurait pas dû échapper à l'attention de M. Sylvain BLUME, responsable de la sacherie et de M. MARQUE.. Une telle opération nécessite un temps de préparation conséquent et une véritable organisation.

Enfin, la rapidité de l’enchaînement des faits qui ont précédé l’explosion du hangar 221, telle que décrite par les témoins, ne permet pas d’accréditer l’hypothèse d’un acte de malveillance perpétré au moyen d’un engin mettant en œuvre une charge d’explosif à usage civil ou militaire ou une composition explosive de circonstance de forte puissance, afin de mettre en détonation le nitrate d’ammonium, mis en place très peu de temps avant l’explosion dans le box. Un attentat à l'aide d’une composition pyrotechnique est tout à fait irréaliste.


Les auteurs présumés d’un tel acte volontaire auraient également dû avoir connaissance de la nécessité de mettre en œuvre un très puissant relais d’amorçage, impliquant de longs travaux préparatoires que la chronologie des faits telle que nous avons pu la reconstituer permet d’exclure.
Notons que deux témoins ont transité dans la zone du box respectivement 15 et 3 minutes avant l’explosion sans rien remarquer de particulier. On peut, de ce point de vue, écarter un attentat préparé dans la nuit du 20 au 21, car le stock de nitrates dans le box a été totalement reconstitué dans la matinée du 21 septembre. Cela rend invraisemblable l’hypothèse de la mise en place d’un E.E.I mettant en oeuvre une charge explosive importante dans la matinée du 21 septembre, car les allées et venues dans le box n’étaient pas prévisibles, car non programmées dans le temps.
De plus, le bâtiment, aux dires mêmes de M. BIECHLIN le directeur de l’usine, bénéficiait d’une surveillance efficace. C’est d’ailleurs cet argument que M. BIECHLIN met en avant pour justifier la non installation de détecteurs d’incendie et de NOx dans le bâtiment 221, en expliquant que des rondes régulières y étaient effectuées par le service Sécurité Incendie en dehors des heures de présence et le reste du temps, M. BLUME occupait à demeure un bureau à l’intérieur du bâtiment 225 (D 4763). De toute évidence, le (ou les) auteur (s) d’un tel acte prenait (ent) le risque de se faire repérer.
En conclusion, l’hypothèse d’un attentat perpétré contre le stockage de nitrates d’ammonium du bâtiment 221 par engin explosif improvisé (EEI) ne résiste pas aux développements ci-dessus.
5.8.1.2. Un attentat au moyen d’une roquette à tête explosive ou à charge creuse ou au moyen d’un missile, d’un obus ou projectile de mortier, d’une grenade à main explosive (offensive ou défensive), d’une grenade à fusil (antipersonnel ou antivéhicule) de fabrication industrielle ou artisanale.
Attentat au moyen d’une roquette ou d’un missile

Notons tout d’abord que les recherches sur le site n’ont pas conduit à la découverte de vestiges d’une quelconque munition.

Rappelons que l’on appelle :


  • Roquette, tout projectile, orienté mécaniquement au départ, mû par un système de propulsion pendant la phase initiale de sa course et soumis ensuite aux seules lois de la balistique extérieure,




  • Missile, tout projectile doté d’un système autonome de propulsion, asservi sur tout ou partie de sa trajectoire à un système de guidage.

Ainsi, guidage excepté, roquettes et missiles présentent des caractères communs. Ces munitions sont dotées d’un système de propulsion ou moteur obéissant aux lois de l’autopropulsion. Elles comportent généralement des empennages ou des voilures qui supportent les forces aéro-dynamiques. Elles emportent vers leur objectif une charge utile amorcée d’un dispositif qui en assure le fonctionnement au moment voulu. La charge utile est le plus généralement une charge explosive ou une charge creuse.


L’hypothèse selon laquelle un acte de malveillance aurait pu être perpétré au moyen d’une roquette munie d’une tête explosive du type charge creuse n’est pas non plus crédible. Outre le fait que le tas de nitrates déclassés se trouvait dans le hangar 221, masqué comme nous l’avons déjà indiqué dans notre rapport d’étape par d’autres bâtiments et des rames de wagons de la SNCF, rendant difficile voire impossible une visée précise, les effets des charges creuses équipant les roquettes anti-chars tirées à l’épaule à tir tendu les plus couramment utilisées par les terroristes (RPG -7 russe, ou M 72 - USA, et leurs différentes versions), nous confortent dans la difficulté d’atteindre la cible et si tant est que ce soit possible, l’explosion de la charge ne pouvait amorcer le tas de nitrates.

La roquette russe PG 7 du calibre 73 mm et l’américaine du calibre 66 mm ont des portées de l’ordre de 350 mètres à 500 mètres et conduisent des perforations voisines de 350 mm à 400 mm dans l’acier à blindage.


Lors de l’impact sur la cible, en l’occurrence le mur en béton du bâtiment 221, de 600 mm d’épaisseur, on peut estimer que l’énergie perdue durant sa traversée par le jet libre (diamètre 4 à 5 mm) est d’environ 30 %. La largeur du bâtiment du hangar 221 est de 15 mètres et celle du tas d’environ 10 mètres, ce qui donne une distance d’action du jet libre d’environ 5 mètres. Il ressort, notamment du fait du phénomène de « pendulation » des éléments du jet, que les impacts se font sur de faibles superficies d’un diamètre voisin de 20 mm avec des vitesses des éléments du jet comprises entre 2000 (noyau) et 6000 m/s. La dispersion des éléments du jet et la faible surface, ne sont pas de nature à engendrer un « choc » suffisamment énergétique pour mettre en détonation le tas de nitrates d’ammonium.
L’amorçabilité du nitrate d’ammonium par le jet résiduel d’une roquette du type PG7M par exemple n’a pas fait à notre connaissance d’essais particuliers concernant le mécanisme Transition-Choc-Détonation (TCD).
Les résultats obtenus tant à l’Etablissement Technique de BOURGES qu’au Centre d’Etudes de GRAMAT sur différents explosifs-, PBX 9404 ; Composition B3 ; Tolite fondue-, conduisent à penser que le jet résiduel, voire le noyau d’une PG7M, assimilé à un projectile à bout plat ne serait pas capable d’amorcer la détonation d’un explosif homogène peu sensible, ce qui est le cas en l'occurrence du nitrate d’ammonium, tel qu'il était entreposé.
La capacité de pénétration à distance d’ogive d’une tête PG7M dans le béton à l’aide du code MAJIC, développé à l’ETBS-BOURGES par Monsieur Emmanuel LAPEBIE avec l’aide d’un stagiaire Monsieur Bertrand SIMONIN, serait en première estimation de 800 à 850 mm de béton classique.
La longueur effective que doit traverser le jet dépend de l’incidence de l’impact minimale à l’incidence nulle. Les estimations faites par Monsieur Emmanuel LAPEBIE,-CE de GRAMAT-, des épaisseurs «  line of sight », font apparaître que le jet ne devrait plus traverser un mur pour une incidence supérieure à 45°. Les éléments du jet, bien que possédant une température très élevée, ne sont pas de nature à conduire à un amorçage en combustion.
Il convient en outre de souligner que la longueur du tube lanceur, - voisine de 1 m -, l’important effet arrière à l’allumage du propulseur et le bruit qui en résulte, sont des caractéristiques de nature à faciliter le repérage de la mise en œuvre de telles armes d’épaule, plus que les effets « arrière » sur la trajectoire balistique.
Depuis l'extérieur du site de l'usine AZF, l'identification de la cible, s'agissant du tas de nitrates d'ammonium déclassés, entreposés dans le hangar 221 et son box, n'étant pas possible, car masqué par les murs et le toit dudit bâtiment, ainsi que d'autres murs et bâtiments et par des rames de wagons. De plus, cet engin autopropulsé aurait fonctionné à l'impact d'un des murs du bâtiment ou de son toit (tôles en aluminium, plaques translucide), l'énergie résiduelle n'étant alors pas suffisamment élevée pour mettre en détonation ces nitrates éloignés desdits murs et de la porte. Le flux concentré de chaleur traversant le mur ne pouvait que se disperser et perdre de sa force d'impact avant d'atteindre l'un des deux tas.
En outre, la mise en œuvre de ce type d'arme n'aurait pas manqué d'attirer l'attention de témoins du fait notamment du bruit caractéristique et des flammes (effet arrière) générés au moment du tir. Nous pouvons également préciser que, sur trajectoire, les roquettes et missiles n’ont pas de signature visible.
S’agissant des munitions anti-chars à charge creuse en tandem, -évoquées par M. BOURGOIS (D4865) -, elles sont destinées à l’attaque des chars de combat équipés de blindages réactifs ou multi-épaisseurs. La première charge creuse (petit calibre) provoque la destruction locale de la protection « active » ou, de la première épaisseur, la deuxième charge creuse de plus fort calibre perce alors le blindage du char, provoquant ensuite la mort de l’équipage et la destruction des équipements de la cellule dudit char. L’utilisation de ces charges « tandem » ne modifie pas les processus de génération du jet libre et du noyau.
Par ailleurs, l’étude réalisée par M. HASKINS (D4291) à la demande d’AZF, a conclu que l’initiation du nitrate d’ammonium ne pouvait être obtenue que par le tir d’un projectile de 100 mm de diamètre lancé à 1800 m/s, ce qui ne correspond pas aux dimensions tant des éléments du jet que du noyau (quelques millimètres pour le jet et 1 à 2 cm pour le noyau), résultant du fonctionnement d’une charge creuse tirée par une arme d’épaule. M. HASKINS indique également qu’aucun scénario n’existe concernant la mise en détonation du NA par un projectile.

Il convient de relever que M. HASKINS est un éminent spécialiste de la société QINETIQ, notamment spécialisée dans la conception de charges creuses (y compris en tandem) et autres munitions (fragmentation, souffle), comme le précise le site internet de cette société.


Les sytèmes de guidage de ces munitions rendaient impossibles la visée des tas de nitrates d’ammonium du bâtiment 221, totalement passifs au sens de l’émission de phénomènes reconnaissables par lesdits systèmes.
Un attentat au moyen d’un obus ou projectile de mortier. Rappelons tout d’abord qu’un mortier est une pièce d’artillerie à tube le plus souvent lisse, -rarement rayé-, à chargement par la bouche, -rarement par une culasse-, à tir courbe, à faible distance et faibles vitesses, comparativement aux autres bouches à feu, obusiers ou canon. De mise en œuvre rapide, ils permettent de détruire ou neutraliser les obstacles actifs, passifs ou défensifs (mitrailleuses, nids de résistance abrités ou défilés, réseaux de fils de fer barbelés…) et sont utilisés en tirs de saturation et en raison de la nature du terrain, lorsque les armes à tir tendu sont inefficaces. Ils sont également utilisés pour éclairer le terrain ou faire des écrans de fumées. Les munitions les plus courantes sont des calibres 60, 81 et 120 mm.
On peut relever qu’au cours de la seconde guerre mondiale, les Allemands mirent au point le mortier KARL (six exemplaires apparemment), du calibre 600 mm, destiné à tirer un projectile de 2,2 tonnes à 6.800 mètres en vue de détruire les places fortes. S’agissant de l’utilisation de projectiles de mortiers à charge creuse, comme le suggère M. BOURGOIS (D4865), leurs effets ne seraient pas différents de ceux des roquettes citées ci-dessus, et en outre, pour le tir (relativement peu précis de ces armes à tube court) de munitions de fort calibre (120 mm), leur mise en œuvre nécessite plusieurs servants et la discrétion de cette mise en œuvre est illusoire. Il s’agit le plus souvent de tirs de saturation. Cette hypothèse d'attentat est à écarter.

Les obus ou projectiles de mortiers sont généralement amorcés au moyen de fusées d’ogive fonctionnant à la percussion, de manière instantanée ou à très court retard. Ces munitions auraient donc fonctionné à l’impact sur le toit, sur les murs du 221 et les éclats générés ne seraient pas en mesure d’initier la détonation des tas de nitrates, pour les mêmes raisons que celles évoquées pour les roquettes.



Un attentat au moyen d’une grenade à main explosive, -offensive ou défensive-, ou d’une grenade à fusil, -antipersonnel ou antivéhicule-, de fabrication industrielle ou artisanale. Les performances insuffisantes de telles munitions ne permettent pas d’envisager leur mise en œuvre pour conduire à la mise en détonation des tas de nitrates d’ammonium du box ou du tas principal.


        1. Un attentat par incendie

Précisons tout d’abord que dans le bâtiment 221, dépourvu de tout dispositif de détection et d’alerte vis-à-vis de la décomposition du nitrate d’ammonium :




  • aucun combustible facilement inflammable et en quantité suffisante n’était entreposé au contact ou dans le proche environnement du nitrate d’ammonium ;

  • aucune installation technique de chauffage, d’éclairage ou autres, n’était susceptible de dégager un flux thermique susceptible de provoquer une prise de feu dans le box où, à ce jour, l’origine de la détonation a été établie.

L’hypothèse d’un incendie perpétré par un moyen banal (briquet ou allumettes) est donc à exclure.


Monsieur l’Ingénieur Général de l’Armement, Louis MEDARD, dans son ouvrage « Les explosifs occasionnels » [1 – annexe IV], évoque un certain nombre d’accidents dont ceux de Texas City et de Brest dans lesquels des masses très importantes de nitrate d’ammonium à usage d’engrais ont détoné très violemment occasionnant de très nombreuses victimes - morts et blessés-, à la suite d’un échauffement intense consécutif à un incendie survenu dans la zone de stockage.

Le nitrate d’ammonium ainsi chauffé, pendant parfois plusieurs heures, a été porté au-delà de sa température de décomposition, température proche de 300° C, à partir de laquelle la décomposition prend un régime explosif pouvant conduire à sa détonation.

Les accidents cités par Louis MEDARD,- Texas-City, Brest, Oakdale, Repauno, Miramas, Cherokee-, concernaient du nitrate d’ammonium impur ou mélangé avec des matières combustibles au cours de l’incendie.
Nous pourrions également citer l’explosion relativement récente survenue en France, le 04 octobre 2003 à Saint-Romain-en-Jarez (Loire) : un incendie s’est déclaré dans un hangar agricole contenant de gros ballots de paille (démarrage de l'incendie), une chambre froide pour la conservation des fruits, des cagettes en plastique de fruits, vides, 4 tonnes de nitrate d'ammonium en sac (engrais).
L'incendie s’est propagé de la paille aux parois de la chambre froide, puis aux cagettes en plastique, qui ont brûlé et fondu faisant ainsi un mélange détonant avec le nitrate agricole. Il s'est écoulé environ 1 heure 15 min entre l'appel aux pompiers pour éteindre le feu de paille et l'explosion du nitrate d’ammonium. 18 personnes ont été blessées (principalement des pompiers) dont deux grièvement.
Louis MEDARD signale également de nombreux incendies concernant des stocks très importants de plusieurs tonnes de nitrates - 14.000 tonnes dans le cas de Kansas-City en 1949 - qui n’ont pas été suivis d’explosion, car il n’y avait pas de confinement comme à Brest ou Texas-City par exemple.

Les affaires accidentelles impliquant le nitrate d'ammonium, recensées depuis un peu moins de cent ans et dont certaines ont été analysées par Louis MEDARD dans son ouvrage figurent en annexe III.


Louis MEDARD fait aussi état des essais d’incendie effectués à Toulouse en 1950 par le Syndicat professionnel français de l’industrie des engrais azotés,- une tonne de nitrates en sacs de papier soumise à l’air libre à un feu intense-, et de ceux conduits par un groupe de travail britannique en locaux mi-clos,- 45 à 70 tonnes de nitrate d’ammonium également soumises à un incendie intense-, toute expériences qui ne conduisirent pas à une décomposition explosive.

Le 21 septembre 2001, dans le bâtiment 221, aucun phénomène associé à un incendie n’a été décelé avant l’explosion par les utilisateurs de ce bâtiment : émissions de fumées, d’odeurs, élévation de température, par M. BLUME notamment.


L’hypothèse d’un incendie volontaire perpétré par addition, à des fins malveillantes d’un combustible utilisé en tant qu’accélérateur de la combustion en quantité importante, de préférence liquide, au stockage de nitrates d’ammonium du bâtiment 221, puis son inflammation par un moyen quelconque, est à écarter eu égard au temps nécessaire à la préparation d’un tel foyer peu avant l’explosion, et aux manifestations -flammes, fumées, odeurs- qu’un tel début d’incendie n’aurait pas manqué de provoquer.
De plus, si un combustible liquide et facilement inflammable avait été déversé sur le tas de nitrate d’ammonium puis enflammé, la chaleur se serait en grande partie dissipée au-dessus de la masse qui, de ce fait, n’aurait pas atteint une température proche de 300° C, nécessaire pour provoquer la décomposition du produit.

Il apparaît donc que la détonation survenue dans le stockage de nitrate d’ammonium disposé dans le bâtiment 221 n’a pas été initiée par un incendie dont la cause serait volontaire.




      1. Les hypothèses accidentelles

5.8.2.1 Un incendie
Pour les raisons développées précédemment et notamment l’absence de signes d’un incendie relevés par les utilisateurs du bâtiment 221 avant les faits, l’hypothèse d’un feu couvant n’est pas plus crédible que celle d’un incendie volontaire, car le milieu ne se prêtait ni à l’allumage, ni à l’entretien d’un tel processus.
En effet, cette hypothèse impliquait la présence au sein du nitrate d’ammonium d’une quantité importante de déchets combustibles, ce qui n’était pas le cas et l’apport d’une source de chaleur à ce nitrate d’ammonium pollué. Or aucune source potentielle d'allumage n’était présente.
Rappelons que les sources potentielles d'allumage sont :


  • technologiques et techniques (installations électriques, appareils de chauffage...);

  • accidentelles non technologiques et spontanées (phénomènes de fermentation),

  • accidentelles, résultant de négligences ou d'imprudences : imprudence de fumeur par exemple, imprudences liées à des travaux par points chauds ou de bricolage...,

  • accidentelle naturelle : foudre ...

Quant à l’hypothèse d’une inflammation brutale du nitrate d’ammonium, susceptible d’entraîner sa détonation, par suite de la production d’une énergie calorifique dans le stockage de nitrates provenant d’un court-circuit vers la terre à partir des installations électriques interne ou externe au site, elle est étudiée plus loin au 5.8.2.5.


5.8.2.2. Un incident affectant le sol sous du bâtiment 221
Trois types d’incidents, successibles de provoquer une explosion primaire dont l’onde choc aurait pu ensuite entraîner la mise en détonation des nitrates d’ammonium entreposés dans le bâtiment 221, peuvent être envisagées :



  • la détonation d’une munition,

  • une fuite souterraine de gaz inflammable ou la formation d’un mélange gazeux explosible à base de méthane résultant d’un processus de fermentation dans des déchets organiques présents dans le sol sous le bâtiment 221.

5.8.2.2.1 La détonation d’une munition enterrée sous les hangars 221à 225.


L’hypothèse de la détonation spontanée d’une munition enterrée sous ces hangars a été envisagée, car ce type d’incident, extrêmement rare, s’est déjà produit dans le passé notamment dans le cas de bombes d’aviation d’origine américaine ou britannique, équipées de fusées de culot à retardement chimique et à piège anti-dévissage.
Il importe de relever que ces explosions spontanées, à notre connaissance, sont systématiquement consécutives à la mise à l’air libre de ces munitions enterrées depuis plusieurs dizaines d’années. Leur extraction du sol, le changement des conditions de leur température de « stockage », leur manipulation en vue de les transférer dans une zone le plus proche possible, favorable à leur neutralisation ou à leur destruction par pétardement sont à l’origine, aux dires des spécialistes, de leur explosion spontanée qui résulte de la rupture d’une rondelle de celluloïd qui maintient en place le percuteur et son ressort comprimé. L’un d’entre-nous a vécu un tel cas d’explosion spontanée de l’ensemble gaine-fusée d’une telle bombe peu après son extraction par dévissage du corps de la bombe.
L’exploitation des archives des bombardements de la seconde guerre mondiale a montré que le site « AZF » a fait l’objet d’un bombardement allié le 26 mai 1944, mais que les «  magasins à chaux  221 à 225 », n’avaient pas été touchés directement par des bombes, comme l’indiquent les experts géologues Valérie GOUETTA et Jean Yves NICOLAS DE LAMBALLERIE dans leur rapport partiel du 17 février 2003 (D2203).

 

M. Jacques LUTFALLA, Ingénieur de l’Armement en retraite et expert près la Cour Administrative d’appel de Paris, qui a participé en qualité d’expert externe à la commission d’enquête interne de la société Grande Paroisse, a rédigé, le 18 décembre 2001, une note sur les bombardements de Toulouse. Il indique, qu’à moins que l’on trouve les débris d’un corps de bombe au fond du cratère, ce que les relevés magnétométriques devraient indiquer, l’hypothèse d’une bombe à retardement présente dans le sous-sol du dépôt paraît peu plausible.


Si tel est le cas, il faudrait encore élucider les raisons de sa mise à feu. Il indique précédemment que le dispositif de mise à feu des bombes à retardement est de deux types : « un retard chimique ou un retard électrique. Le retard chimique repose sur la dissolution d’une membrane par de l’acétone, il y a longtemps que cette membrane n’existe plus et que la bombe aurait dû fonctionner. Le retard électrique contient une pile, qui au bout de 55 ans, ne paraît pas susceptible de pouvoir fonctionner ».
Nous pouvons relever que pour certaines bombes d’origine allemande, l’amorçage était confié à des fusées électriques positionnées en général latéralement pour les grosses bombes. Leur circuit électrique d’allumage était constitué avec un ou deux condensateurs et non pas des piles comme source de courant.
Le premier condensateur, -dit de charge-, était chargé instantanément au moment du largage et pendant le début de la chute, il constituait la source de courant pour charger le deuxième condensateur qui constituait la source de courant pour déclencher l’amorce électrique, sur l’ordre d’un petit vibreur fermant le circuit par inertie, à l’impact.
L’exploitation de l’étude de magnétométrie conduite sur le site par la société BERENGIER, spécialisée dans la détection de munitions enfouies, et la dépollution de terrains ayant été bombardés ou recelant des munitions enterrés, fait apparaître la quasi improbabilité que l’évènement du 21 septembre 2001 ait été causé par l’explosion d’une bombe enfouie dans le sous-sol de ces hangars (D1834).
Cette conclusion est confortée par le fait qu’aucun vestige de corps de grosse munition n’a été identifié lors des ratissages effectués longuement sur le site, en particulier les parties les plus massives de ces corps de munitions, ogive et/ou plaques de culot.
Certains d’entre nous ont conduit ou participé à des opérations de « pétardement » de bombes d’aviation de différentes origines et masses, enterrées ou à l’air libre, et il a toujours été retrouvé des vestiges importants de ces munitions dans le cratère, son voisinage ou projetés à de grandes distances.

          1. Une fuite souterraine de gaz inflammable ou un processus de fermentation

Selon le rapport des experts géologues (D 5700 à D5708), : « Les recherches qui ont été menées montrent que le secteur dans lequel l’explosion s’est produite est un secteur qui ne présente aucun risque naturel particulier lié à son contexte géologique, géotechnique ou hydrogéologique. Ni les recherches historiques ni les observations de terrain (sondages, inspection de cavités et de réseaux) n’ont identifié d’ouvrage souterrain ou de zone remblayée sous l’emprise des bâtiments 221 et 222 ».
Les experts géologues n’ont mis en évidence « ni réseau ni cavité ni zone remblayée sous l’emprise du bâtiment 221. Le seul élément identifié est la fosse localisée à l’intérieur du box ». Selon leurs conclusions, cette fosse présente, dite fosse de la sauterelle, est peu profonde (1,10 m environ) et elle a été remblayée avec du tout venant lors de la réfection du sol du box réalisée à l’Est du bâtiment 221.
L’absence sous le bâtiment 221 de réseau de gaz et de déchets organiques permettent donc d’exclure les hypothèses d’une fuite souterraine de gaz inflammable et celle de la formation d’un mélange gazeux explosible à base de méthane lié à un processus de fermentation dans ces déchets.
5.8.2.3 La chute d’une météorite, d’une pièce d’aéronef, la foudre
Dans son rapport, en date du 03 juin 2002, M. Jean-Michel BRUSTET (D2175) a éliminé l’hypothèse de la chute d’une météorite, sur la base de renseignements obtenus auprès du CNES et du rapport de la société BERENGIER.
Le 29 janvier 2003, en réponse à une réquisition, M.Alain DELPUECH, Directeur des applications militaires au Commissariat à l’Energie Atomique, a adressé, à M. Jean-Pierre BELLAVAL, enquêteur de police au SRPJ de Toulouse, deux rapports établis par le Département Analyse Surveillance Environnement relatifs à l’explosion de l’usine AZF (D3101).
L’un de ces rapports fait la synthèse des études menées au CEA/DAM/DASE dont les principaux éléments ont été communiqués en avril 2002, l’autre présente plus spécifiquement les travaux effectués par le CEA pour étudier l’hypothèse d’une chute de météorite dans la région toulousaine le 21 septembre 2001. Selon ce dernier rapport, l’hypothèse d’une initiation de l’explosion par la chute d’une météorite n’est soutenue ni par les signaux géophysiques enregistrés par les réseaux sismique et microbarométrique, ni par les détections sur les radars d’aviation, ni par un témoignage humain.
L’étude des pièces et les renseignements recueillis auprès de l’aviation civile et de la météorologie nationale permettent également d’éliminer l’hypothèse d’une initiation de l’explosion des nitrates entreposés dans le bâtiment 221 par la chute d'un débris d'aéronef ou par la foudre.
5.8.2.4 Un phénomène d’ordre magnétique ou électromagnétique


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