Gaston Bardet



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IX L'ABCES QUIETISTE,


EXEMPLE-TYPE D'ERREUR EXPERIMENTALE

« Nul ne peut parvenir au repos qui dépasse l'action, s'il n'a aimé auparavant d'un amour avide et actif. C'est pourquoi la grâce de Dieu et notre amour agissants doivent tout à la fois précéder et suivre : c'est-à-dire que l'exercice doit être pratiqué avant et après... Nul ne doit demeurer oisif, lorsqu'il a la maîtrise de lui-même et peut pratiquer l'amour ».

RUYSBROEK, L'Ornement des Noces spirituelles.

La vie mystique, florissante dans les monastères bénédic­tins, s'est épanouie dans le monde occidental grâce aux ordres pèlerins de saint François (1182-1226) et de saint Dominique (1170-1221) : oraisons jaculatoires et rosaire ont permis à toute âme d'amorcer l'oraison de quiétude préparatoire à la Joie.

A la fin du XIIIme siècle, les deux grands saints docteurs, Thomas (1226-1274) et Bonaventure (1221-1274) - chacun selon son tempérament particulier - ont posé les bases scolastiques de la vie parfaite menant à l'union transformante. De leur côté, les Carmes, chassés des Lieux-saints, se sont réfugiés en Europe - grâce à la protection de Notre-Dame ­réaffirmant la voie d'abandon des Pères du Désert 417.

Au XIVme siècle, le brabançon Ruysbroek (1293-1381) ex­pose, pour la première fois en langue vulgaire, et pour un pu­blic séculier, la voie sûre qui mène aux « Noces spirituelles » ; Au XVme siècle, la mystique se diffuse en tous les milieux, malgré la dégradation et les abus du bas-clergé. La Réforme va lui porter un coup terrible, mais les grandes figures de Madre Teresa et Padre Juan de la Cruz se dressent au-dessus des hérésies, et font du XVIme siècle espagnol un grand siècle de renouveau mystique.

Au début du XVIIme siècle, c'est l'Ecole Française qui prend la tête du mouvement avec Madame Acarie (1566­1618), son cousin le cardinal de Bérulle (1575-1629), Monsieur Olier (1608-1657), puis François de Sales (1567-1622) et la baronne de Chantal (1572-1641). Le Carmel est introduit en France par les filles préférées de Thérèse. Louis-Marie Gri­gnion de Montfort reçoit en dépôt, le « Secret de Marie ». Dans tous les milieux, tous les états, des laïques se livrent à des exercices spirituels, chaque matin... De toutes ces écoles spirituelles, une magnifique synthèse va-t-elle surgir pour irradier l'Europe ? Non, tout va s'effondrer. Pourquoi ?

LA PEUR DU SACRE.


Non, car Satan a compris. Contre la Réforme, la mystique carmélitaine s'est dressée ; au Jansénisme s'est opposée la dou­ceur salésienne. Avec le Saint Esclavage de Grignion, c'est Marie, son pire ennemi, qui va intervenir s'il lève trop haut la tête.

Il faut changer de tactique. Il ne s'agit plus de se montrer, de susciter une rébellion, mais de se faire oublier 418.

Désormais, Satan disparait de la scène, à tel point qu'il pourra imprégner toute la vie publique, toutes les inventions et les modes modernes sans qu'on s'en aperçoive. Ainsi, et lentement, les esprits sont attirés vers le profane, le laïcisme, le néo-paganisme sans apercevoir ni pieds fourchus, ni l'ombre d'une corne.

Mais il va faire mieux. Tandis qu'il disparaît dans le pro­fane, il va s'imposer comme une obsession dans le sacré. Il faut à tout prix détourner les chrétiens de la vie parfaite qui, seule, peut vaincre le Mauvais et son cortège de malheurs. Il faut repousser du sacré les croyants.

Malgré l'appui de l'Inquisition, l'opération n'avait qu'à de­mi réussi en Espagne, au siècle précédent 419. Au XVIIme siè­cle, la manœuvre va triompher en France. Satan réconcilie Jansénistes et Jésuites de l'époque, sur un seul point : celui du mépris de la contemplation ; puis, chez les partisans de l'orai­son contemplative, il va dévier d'un rien les dispositions préparatoires. Cela suffira.

Illuminisme ou Molinsisme avaient abouti à un amoralisme sexuel trop grossier, trop apparent, trop aisément condam­nable. Il faut trouver mieux et brouiller plus subtilement les cartes. Il suffira en ce drame de trois personnages, tous mora­lement irréprochables. Une femme d'abord... Madame Guyon (qui se jugera une nouvelle Madame Acarie) et deux grands prélats : l'Aigle de Meaux et le Cygne de Cambrai, comme di­sent nos manuels d'histoire…

Il suffira d'une mégalomane et de deux savants, aussi éru­dits qu'ignorants du commerce de la vie mystique, pour con­duire à une querelle d'autant plus embrouillée qu'aucun des trois partenaires ne connaît d'expérience ce dont il parle. C'est admirable de casuistique et de complications. Parmi tous ces serpentements, tout le monde se perd, tant et si bien qu'aujourd'hui encore, il y a des partisans de Bossuet (1627-1704) et des partisans de Fénelon (1651-1715).

Comme de toutes les condamnations et distinctions théolo­giques de l'époque, il n'est rien résulté de simple, de clair, de droit, Satan a réussi son coup. Le clergé est affolé. Il s'ima­gine que la « quiétude » - cette grâce surnaturelle - con­duit au diabolisme ; qu'il faut à tout prix empêcher les péni­tents « de ne pas penser » (ce qui est juste) et que pour ce faire, il doit leur éviter toute méprise en les écartant défini­tivement de la « voye brève » et du « raccourci » - ce qui est faux.

Cela commence par le « procès des mystiques », dira l'ex­-jésuite Henri Brémond. Quels mystiques... ? Les guyonistes ? Ils ne l'étaient justement pas. Puis on glisse dans l'anti-mysticisme pour atteindre la phobie de la mystique. Aujourd'hui même, qui ne connait de vertueux prêtres (saints malgré leurs efforts de rhétorique, peut-on dire) inquiets de la moindre ma­nifestation sortant (croient-ils) de l'ordinaire... ! Ils sont affo­lés à l'idée d'avoir à guider des âmes vigoureusement mues par l'Esprit-Saint... Voilà deux siècles et demi qu'il en est ainsi et le Christ, les bras surchargés de grâces - comme le vit le vénérable de la Puente - ne sait à qui les donner... 420. C'est pourquoi nous nous attarderons sur cet abcès du préten­du quiétisme, afin de le vider, une bonne fois, au moyen du simple bon sens et sans avoir recours à des subtilités dogmati­ques.


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