Les enseignants
Tout d’abord, tous les rapports signalent que rien ne peut se faire sans eux, ce qui semble assez évident. Les réticences sont le plus souvent expliquées par trois facteurs :
– la crainte de ne pas maîtriser l’outil en présence des élèves (cndp) ;
– le refus de remettre en cause l’enseignement frontal (cndp, acot, Socrates-Mailbox) ;
– le manque de formation ou l’inadéquation de celle-ci. Tandis que l’enquête du cndp critique des formations qui privilégient les aspects techniques communs à toutes les disciplines au détriment des aspects didactiques, Pouts-Lajus et Riché-Magnier insistent sur l’organisation de formations qui tiennent compte de la réalité du terrain (stages d’établissement plutôt que stages académiques).
Haymore-Sandholtz, Ringstaff et Owyer (1998, p. 50) indiquent que pour que les tic puissent être utilisées avec profit, il faut que les enseignants acceptent de “ remettre en question leurs croyances pédagogiques ” (professeur comme unique source de savoirs, pratique de la classe organisée autour de la parole du maître). Cela ne peut évidemment se faire du jour au lendemain, et il n’est dès lors pas étonnant que “ les enseignants misant sur les tic restent une minorité ” (cndp). Scavetta (1997, p. 142) avance que l’enseignant doit, en outre, “ ouvrir toute une série de boîtes noires incorporées aux technologies qu’il emploie. Faute de quoi, sans qu’il s’en rende compte, ses pratiques pédagogiques pourraient rester enfermées à l’intérieur des contraintes pragmatiques que toute technologie impose ”.
Les apprenants
Il convient tout d’abord de considérer l’âge des apprenants comme un paramètre décisif. Barchechath et Magli montrent qu’enfants et adolescents apprécient pour la plupart le travail sur les machines, mais pour des raisons bien différentes. Les adultes ne sont pas tous prêts à utiliser les tic : cela dépend notamment de leurs objectifs professionnels et personnels, de leur niveau dans la discipline, de leur motivation, de leurs représentations sur les apprentissages, de leurs représentations sur les tic et sur leur apport, de leurs stratégies d’apprentissage, de leur degré d’autonomie, de leur style cognitif (Albero, 1998 ; Barbot, 2000).
Concernant l’autonomie des apprenants, Barchechath et Magli nous montrent qu’elle n’a rien d’automatique et critiquent certains postulats trop optimistes :
“ Quand on aborde le sujet des tic, on a l’habitude de partir du principe que l’apprenant est pleinement “autonome”. C’est ici que nous voudrions commencer à creuser un peu sous la surface. On établit habituellement une équation entre la présence d’une machine dans un environnement d’apprentissage, et la “sainte trinité” : quand l’ordinateur apparaît, l’autonomie s’installe, la collaboration se déclenche et l’apprentissage devient plus efficace. Cette représentation nous montre l’école comme un univers de relations fonctionnelles et linéaires, dépourvues de toute valeur affective, émotionnelle et symbolique : les machines sont des machines, les enseignants sont des dispensateurs de savoir, ou des facilitateurs de savoir et les apprenants sont heureux d’apprendre. Il n’y pas besoin d’alchimie. ”
Nous reverrons ce problème quand nous croiserons la variable “ apprenant ” avec la variable “ enseignant ”, car celles-ci entretiennent, sur ce plan, une relation systémique.
Les contenus disciplinaires et les supports d’apprentissage
Tous les auteurs s’accordent à dire que le découpage disciplinaire est un obstacle à l’intégration des tic : les utilisations les plus intéressantes de celles-ci sont la plupart du temps à la croisée de plusieurs disciplines.
Par ailleurs, des contenus trop “ ficelés ”, trop rigides, sont également défavorables à un travail avec les ordinateurs (Bracewell & al., 1998). Ainsi, des programmes laissant une grande latitude aux enseignants pour déterminer les contenus d’enseignement rendront-ils plus faciles l’utilisation de l’outil informatique.
Les ressources numériques et leur “ philosophie ”
Très peu d’études comparent les réactions des apprenants selon que l’on utilise des logiciels tutoriels ou bien des produits plus “ ouverts ”; Haymore-Sandholtz, Ringstaff et Owyer (1998) observent toutefois, chez des élèves du secondaire, un rejet, après une brève période d’engouement, d’un “ logiciel directif qui ne faisait pas suffisamment de place à l’expérimentation. Ils voulaient explorer et non obéir à des directives, qu’elles viennent d’un ordinateur ou d’un être humain ”.
Mais la classique distinction tuteur/outil (Levy, 1997) n’est pas suffisante ; de nombreux produits sur Internet ou sur cd-rom transcendent plus ou moins ces catégories. Actuellement, la majorité des logiciels, pour des raisons commerciales, sont de type tutoriel, les activités proposées étant fermées et donc partiellement en contradiction avec le socio-constructivisme ; n’aurait-on pas besoin de plus de produits amenant les pairs à collaborer et prévoyant la participation de l’enseignant ? La thèse de Levy est que l’on utilise souvent mal l’ordinateur faute d’avoir assez réfléchi au rôle que l’on veut lui faire jouer : les logiciels tutoriels, par exemple, excluent d’une certaine manière l’enseignant, puisqu’ils prennent entièrement en charge l’acte d’enseignement, de la consigne à l’évaluation des productions ; à l’inverse, si l’on prévoit d’emblée la présence de l’enseignant, il devient possible de proposer des activités plus riches, plus ouvertes, tout en faisant alors jouer un autre rôle à l’ordinateur.
Le dispositif spatial et humain
Si l’on prend en compte à la fois le lieu et l’encadrement humain selon lesquels les tic sont employées, on relève, sur le terrain scolaire et universitaire, un grand nombe de dispositifs différents d’utilisation des tic.
Salle multimédia en libre-accès
• Auto-apprentissage libre : à l’université, il existe souvent des centres de ressources pour l’apprentissage des langues (cf. Bucher-Poteaux, 1998). De manière plus générale, des salles informatiques en “ libre service ” sont à la disposition des étudiants : quand elles offrent un accès à Internet, on note une augmentation considérable de leur fréquentation, au point de générer des files d’attente ou même de bloquer le système (à Grenoble 3, l’accès à Internet a été supprimé durant un an, en 1999-2000, les salles, qui venaient à peine d’être reliées au réseau, ne parvenant plus à faire face à la demande).
• Auto-apprentissage guidé : les activités d’apprentissage sont déterminées conjointement par l’apprenant et un moniteur (ou un enseignant) formé à la didactique d’une discipline et à l’exploitation des ressources numériques. C’est le cas des centres de Langues ou maisons des Langues des universités.
• Auto-apprentissage intégré : ce mode d’utilisation des ressources technologiques implique que l’enseignant donne des tâches précises à réaliser à ses étudiants, en dehors de la situation de classe. À la maison des Langues et des Cultures de l’université de Grenoble, où les trois formes d’auto-apprentissage (libre, guidé et intégré) existent135, l’étudiant en auto-apprentissage intégré est inscrit à un cours de 50 heures dans lesquelles est comprise une dizaine d’heures d’auto-apprentissage au centre de ressources : dans le meilleur des cas, l’apprenant travaille avec les ordinateurs sur une tâche qui a été assignée par l’enseignant et qui sera valorisée en classe (préparation d’un exposé, par exemple).
Centre de ressources (ou cdi) avec quelques ordinateurs (collège, lycée)
– Les élèves effectuant des recherches, aidés par un documentaliste.
– Les élèves réalisant des tâches demandées (ou simplement suggérées) par leur enseignant.
Un certain nombre d’ordinateurs sont présents dans la classe
Ce dispositif est fréquent à l’école primaire ; les auteurs de Socrates-Mailbox comme ceux du projet acot le considèrent comme le meilleur.
L’enseignant se rend avec sa classe dans une salle informatique
C’est encore de très loin le cas le plus fréquent dans l’enseignement secondaire.
L’enseignant utilise un système de projection dans la salle de classe
Il faut encore ajouter le cas où l’apprenant a chez lui un ordinateur à sa disposition et s’en sert pour préparer des travaux demandés par l’enseignant ou pour du soutien scolaire sur cd-rom ou Internet136.
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