Journal intime



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Grande nouvelle: Bonnefoy se marie! J'ai appris cet après-midi qu'il convolerait en justes noces au mois d'août prochain avec une jeune femme de vingt-sept ans, bardée de diplômes, mais actuellement au chômage. Il y a de quoi être surpris, surtout quand on connaît le bonhomme. A moins que cela ait pour effet de le calmer... Souhaitons pour la future épousée qu'il ait enfin trouvé le grand amour qui le stabilisera.

Samedi 29 février 1992 (21h.42)
Comme nous nous y attendions un peu, le retour de Blandine n'a pas donné lieu à des manifestations d'allégresse et à des démonstrations d'affection. Après six jours de liberté et de camaraderie, il est bien difficile apparemment de retrouver les obligations familiales et la médiocrité du foyer. Nous nous efforçons de prendre cela avec philosophie, mais c'est désolant de voir ainsi gâchés ces moments si fugitifs qui pourraient être partagés dans la tendresse et la bonne humeur. Nous lui pardonnons en raison de son âge et de ses grandes qualités, mais il faut se faire violence pour ne pas la provoquer et la pousser à sortir de son indifférence bougonne.

Bonne journée de travail: j'ai réussi, sans pour autant négliger mes obligations habituelles, à avancer mon index de cassettes et mon répertoire musical. J'ai encore une foule de projets à réaliser et j'espère avoir le temps et la santé nécessaires pour les mener à bien. Bien entendu, tout cela ne servira qu'à moi et ne me survivra pas. Mais si j'en ai retiré une raison de vivre et d'agir, ce sera déjà beaucoup.

Dimanche 1 mars 1992 (21h.54)
Décidément, les restaurants ne nous réussissent pas. A midi, nous avons emmené ma mère dans un restaurant récemment ouvert à Saint-Fons. Nous avons bien mangé, mais sans excès, même si les parts étaient forcément copieuses. Or Joëlle n'a pas supporté et s'est trouvée malade en milieu d'après-midi. Est-ce l'habitude de repas frugaux ou celle d'une cuisine légère qui nous rend si sensibles aux moindres écarts de régime?

Lundi 2 mars 1992 (17h.52)


Lassonde m'ayant déposé ce soir à la Part-Dieu, j'ai décidé, comme il faisait beau et que la température était très douce, de remonter à pied à la maison. Quarante minutes de marche, c'est une excellente remise en forme, et, même si au début ma jambe droite tirait un peu, je suis finalement assez satisfait de mes performances. Je pense que l'exercice m'aura été plutôt bénéfique. A défaut de pouvoir supprimer définitivement le mal, l'essentiel, c'est d'arriver à gérer sa maladie. Dommage qu'il ne soit pas aussi simple de faire face aux problèmes oculaires: cela fait plusieurs jours que mon oeil droit me fait souffrir et que ma vue est altérée. Bien entendu, dans ces cas là, je pense toujours au pire et je suis partagé entre le désir d'être fixé sur la nature du problème et la crainte d'être amené à interrompre mes activités à un moment où je ne souhaite rien moins que de me voir freiné dans mon élan. J'ai beau me raisonner et me dire que j'ai déjà eu suffisamment d'occasions de m'inquiéter à tort pour savoir qu'il ne faut pas se fier aux apparences, il n'empêche que je vis dans la crainte et que je me culpabilise de ne pas intervenir immédiatement au risque d'aggraver une situation qui justifierait peut-être une urgence.

J'espérais que cette semaine verrait l'état de santé de monsieur Henry s'améliorer, or cela ne semble pas devoir être le cas. Il a été transféré à Grange-Blanche et placé dans une chambre stérile. C'est dire si son cas est sérieux. J'aimerais être sûr qu'il est bien soigné et que ce cauchemar va bientôt finir. Une fois de plus, on se dit qu'il faut être bien naïf pour s'extasier sur les exploits de la médecine. Pour quelques opérations de prestige, combien de patients dont la maladie mystérieuse rend les docteurs perplexes, combien de personnes que l'on abandonne à leur triste sort?

A midi, Aurore est venue déjeuner avec moi. Elle était visiblement soulagée de savoir qu'elle n'avait pas à se faire opérer d'un grain de beauté qui lui avait donné quelque inquiétude. Elle doit venir dîner à la maison ce soir et elle emmènera sa soeur Blandine qui est en vacances encore cette semaine.

Réflexions pertinentes sur Hervé Guibert, dans un article de Michel Braudeau du "Monde des livres" de vendredi dernier: "Il est évident que saint Guibert va désormais influencer toute une génération d'écrivains, par son audace, son intrépidité à serrer la vérité au plus près, son dégoût des bontés ordinaires. Guibert, persécuté par la maladie, talonné par une insoutenable urgence, s'est beaucoup permis. Ceux qui seront tentés par le trajet Guibert [...] risquent inévitablement de prendre sa hâte et sa vitesse pour de la désinvolture. Or Guibert travaillait beaucoup ses textes, jusqu'aux derniers, ne laissait pas son style débridé. Guibert est un maître périlleux à suivre...".

Mardi 3 mars 1992 (20h.59)
C'était hier, je crois, l'anniversaire de la mort de Gainsbourg. J'ai mis longtemps à découvrir le génial auteur, aussi habile à capter l'essence des musiques en vogue qu'à jongler avec les mots. Les hommages, commémorations et évocations de toute sorte m'ont donné l'occasion de mieux connaître la véritable nature du provocateur timide, du cynique tendre à côté duquel je dois avouer que j'étais passé avec indifférence. Je rattrape maintenant le temps perdu.

Belle journée presque printanière, après que le soleil ait percé le brouillard matinal. A midi, j'ai rejoint Joëlle à Pierre-Bénite, et nous sommes retournés déjeuner dans le même restaurant que la semaine dernière, en compagnie d'Anne, une collègue de Joëlle. Je n'ai pas de nouvelles de monsieur Henry et mon oeil me cause toujours autant de souci. Je soupçonne toutefois les verres de contact de contribuer à mon malaise, mais je ne sais encore s'ils en sont l'origine où si c'est un autre problème qui fait que je ne les supporte plus.

Jeudi 5 mars 1992 (22h.13)
Les circonstances ne me laissent guère de temps pour écrire. Hier, nous étions de corvée de commissions. Cela faisait longtemps que Joëlle n'était pas allée faire d'achats pour ma mère, et, pour la soulager, j'avais proposé que nous l'emmenions à Carrefour, tout en faisant nos propres emplettes. C'est une épreuve assez pénible. Non seulement il faut se traîner le poids mort que représente ma mère, mais c'est aussi fatigant physiquement que moralement d'arpenter ce magasin immense où l'on ne cesse de croiser des rebuts d'humanité dont la mine revêche et dégénérée a sur moi un effet déprimant. Comme j'étais déjà passablement épuisé par une journée de travail très ordinaire, mais qui avait cependant suffi à mettre mes yeux à rude épreuve, j'avais hâte de voir s'achever ce parcours.

Nous sommes allés ensuite récupérer Blandine et, pour faire plaisir à Aurore, nous sommes restés dîner chez elle. A dire vrai, l'apéritif et le repas m'avaient quelque peu requinqué et je suis reparti en meilleur forme que je n'étais arrivé. Blandine, pour sa part, n'a pas montré plus de plaisir à nous revoir qu'il ne fallait en attendre d'elle. Je dirais même qu'elle est de jour en jour plus distante et rébarbative.

Ce soir, c'est une visite d'Anette qui ne m'a pas permis de me mettre plus tôt au travail. Je ne manquais pourtant pas de matière: les logiciels que j'ai commandés, par l'intermédiaire de revues informatiques, commencent d'arriver et, s'il me faudra attendre d'avoir la nouvelle unité de disquettes pour essayer le tableur Lotus, je pourrais installer le programme qui devrait me permettre de multiplier l'espace disponible sur mon disque dur. Hier, j'ai acheté des disquettes pour récupérer à Grenoble un maximum de logiciels, mais il va falloir que je fasse cependant des choix. Je regrette bien sûr d'être limité par le matériel que mes moyens m'ont contraint d'acheter, mais j'ai déjà fait avec lui beaucoup de chemin et je ne désespère pas de progresser encore, au prix, évidemment, de nouveaux investissements.

Vendredi 6 mars 1992 (21h.44)


Il faut reconnaître qu'actuellement je ne suis pas très sérieux et que, si quelqu'un s'avisait de contrôler mon travail, il trouverait sans doute que j'exagère un peu. Non seulement mes horaires ont singulièrement retréci - car, si je sors nettement plus tôt, je continue d'arriver en retard le matin - , mais je suis loin de montrer un acharnement exemplaire à la tâche. Je ne me prive pas de programmer pour moi, ou d'experimenter jeux ou logiciels, sans compter le temps que je passe avec Aurore ou avec Joëlle, lorsqu'elles viennent déjeuner avec moi. C'est la juste compensation des heures que j'ai données lors des sessions de formation. C'est aussi l'effet d'une certaine démobilisation, en l'attente d'un programme précis de cours ou d'autre mission à entreprendre. Je me contente de rester disponible pour les demandes d'assistance que je reçois régulièrement de toute part, tout en mettant de l'ordre dans mes papiers ou en fignolant les supports que nous sommes constamment amenés à remettre à jour.

A midi, c'est Joëlle qui est venue me rejoindre. Nous nous sommes ensuite retrouvés à la bibliothèque de la Part-Dieu où j'ai emprunté, outre un livre d'informatique, des disques de Serge Gainsbourg et de Jane Birkin. Après cela, nous avons fait quelques magasins pour me trouver chemises, cravates et pantalon, tâche qui me rebute tellement que j'y renonce quand rien ne m'y contraint ou que personne ne m'y accompagne.

Samedi 7 mars 1992 (22h.00)
J'ai beau me sentir mieux dès que je ne porte plus mes verres de contact, il ne fait pas de doute qu'il se passe quelque chose d'anormal dans ma vue. Combien de temps pourrai-je encore tenir et me faire illusion sur la gravité de mon état? Dans quelle mesure pourrai-je poursuivre une activité normale, si mon oeil droit est à son tour atteint? J'ai tellement misé sur mon ordinateur et sur les applications que je peux en tirer pour mon travail personnel qu'il m'est difficile d'envisager maintenant d'y renoncer. Je garde en outre un tellement mauvais souvenir de ma dernière opération et des séquelles qu'elle avait entraînées que je redoute les conséquences d'une intervention et le coup de vieux qu'elle ne manquerait pas de provoquer. Il y a peut-être d'autres solutions et d'autres traitements, mais à quel prix et au moyen de quels efforts? Je m'accorde deux semaines avant de consulter l'oculiste. Ainsi, je suivrai de toutes façons mon stage de micro-informatique, puis, en fonction du verdict, je m'organiserai.

En attendant, j'ai poursuivi aujourd'hui la saisie des informations que je veux traiter sur ordinateur (bandes, cassettes, adresses...). Ce sont en même temps des exercices pratiques pour mon apprentissage de la machine, et je regrette de ne pas avoir plus de temps pour étudier plus à fond tous ces logiciels qui ne représentent cependant qu'une petite partie du marché. Tout cela viendra, peu à peu, à défaut de pouvoir m'y consacrer professionnellement.

Tout est prêt pour mon voyage à Grenoble: demain, nous allons chez Yvette, près de La Tour du Pin, et j'y resterai le soir. Lundi matin, je prendrai le train pour Grenoble, où Yaël m'accueillera à la gare. Je dois retrouver Marcel à la Caisse primaire, et nous déjeunerons ensemble. C'est chez lui que je coucherai lundi soir. En ce qui concerne la journée de mardi, je n'ai encore pas de projet arrêté. Tout ce que je sais, c'est que je retrouverai Joëlle le soir, au concert de Yaël. Seule ombre au tableau, Yaël veut que nous amenions ma mère à son concert, ce qui veut dire qu'il va falloir la supporter pendant le trajet.

Mercredi 11 mars 1992 (22h.03)


L'inconvénient d'utiliser maintenant un ordinateur pour la rédaction de ce Journal, c'est que, à moins de reprendre provisoirement la plume et le cahier, je suis privé d'écriture lorsque je m'absente de la maison. Ce fut le cas durant ces trois jours que je viens de passer dans l'Isère. Il est vrai que, même sans cela, je n'aurais guère eu le temps d'écrire, mais il faut maintenant récupérer mon retard et retrouver ce que j'aurais dû noter. Et comme j'ai commencé par m'occuper de mon ordinateur avant de faire le compte-rendu de mon voyage, ce n'est pas encore ce soir que je pourrai me mettre à jour.

Ce sont de véritables vacances que j'ai eu l'impression de prendre. Dimanche, nous étions à Saint-Ondras, chez Yvette, et, le soir, Joëlle est repartie seule. Lundi, j'ai pris à Pont-de-Beauvoisin le train pour Grenoble, où je suis arrivé après une heure et demie de trajet. N'ayant aucune entrave et aucune obligation, j'ai pu consacré ces deux jours de congé à rencontrer tous mes anciens collègues, dispersés entre la Caisse primaire, la Caisse d'Allocations familiales, l'URSSAF et le CNEI. J'ai fait une riche moisson de logiciels de toute sorte. J'ai vu Nadine. J'ai dîné avec Yaël et assisté à son concert. J'ai beaucoup marché et parcouru les librairies de Grenoble. Voilà, très succinctement et très schématiquement, le bilan de ces trois jours qu'il m'appartiendra de reprendre en détail.

Jeudi 12 mars 1992 (18h.55)
Cela va faire sept ans que j'ai quitté Grenoble, et, depuis, je n'avais pas revu certains des collègues avec lesquels j'avais travaillé pendant seize ans. Ces deux jours m'ont permis d'effectuer un retour un source et de confronter mon itinéraire personnel avec les chemins suivis par ceux qui ont choisi de rester sur place et s'obstinent encore aujourd'hui à s'accrocher à cette région où leur avenir professionnel s'annonce de plus en plus précaire. A la Caisse d'Allocations familiales, les jeux sont déjà faits, puisque l'annonce officielle d'un regroupement en trois centres de développement a été faite et qu'il ne reste que quelques mois aux personnes encore en lice pour choisir leur point d'atterrissage. Or même les plus jeunes semblent préférer renoncer aux possibilités d'évolution de leur carrière plutôt que de se résigner à abandonner l'Isère. C'est la même attitude qui règne à notre antenne grenobloise de l'URSSAF. Gourru, dont les compétences nous seraient bien utiles à Vénissieux, préfère se morfondre dans son bureau que de nous rejoindre.

A la Caisse primaire, la situation est un peu différente, car il y a d'un côté ceux qui maintiennent la fiction d'un atelier informatique local et se partagent à grand peine un travail beaucoup trop maigre pour la quantité de personnes encore en poste, et, de l'autre, ceux qui ont réussi à s'intégrer au Centre national, dont la vocation et la destinée parurent quelques temps prestigieuses. Or, il semble maintenant que le sort de tous est aussi peu satisfaisant. En effet, le CNEI est lui aussi appelé à partir à Lyon, à Saint-Etienne ou à l'Isle-d'Abeau. Et le nombre de volontaires pour ce départ n'est guère plus considérable.

D'un point de vue humain, c'est une expérience très intéressante que de revoir, avec le temps, les visages de ceux que l'on a côtoyés pendant tant d'années, de les entendre parler de leurs enfants, maintenant grands, voire de leur petits-enfants, d'apprendre les maladies plus ou moins graves qu'ont surmontées l'un ou l'autre, voir aussi l'évolution des techniques, des conditions de travail et des rapports entre les personnes. C'est parfois triste de voir ce qu'est devenu un service autrefois si actif et maintenant presque moribond. Mais surtout, on arrive à se dire qu'il était bon, en tout état de cause, de changer, car, à la longue, tout pourrit, et les relations humaines tout autant que la dynamique du travail souffrent d'une trop longue absence de renouvellement.

Que dire d'autre de ce séjour? Marcel a été, comme toujours charmant. Malgré ses activités prenantes, c'est avec lui que j'ai passé le plus de temps, et je sens que cela lui fait plaisir. Même s'il a l'amitié moins démonstrative que Henri (mais, par là même, plus constante), je suis toujours un peu gêné par l'admiration qu'il témoigne pour moi et dont je crains de ne pas être à la hauteur. Danièle, sa compagne, est très agréable, et nul doute que, si nous l'avions connue dans d'autres circonstances, nos relations seraient meilleures et meilleur notre point de vue sur elle. Mais nous ne pouvons nous empêcher, d'une certaine manière, de penser à Janine et d'avoir, au fond de nous mêmes, un peu mauvaise conscience.

Dimanche, l'après-midi s'est déroulée autour de la table. Henri est très agréable, mais il a le défaut de me pousser à boire trop, et je ne peux pas toujours me soustraire à ses sollicitations pressantes, ce qui me gâche un peu ces repas dont j'ai quelques difficultés à supporter les conséquences. Cathy, sa fille, qui a à peine l'âge d'Aline, paraît en avoir bien deux de plus. Mais elle ne doit pas être toujours facile à supporter. Elle aurait bien besoin de mes conseils pour apprendre à se servir de son ordinateur (un Thomson MO6 que j'ai découvert dimanche), mais je me sens moins attiré que par Aline.

Une fois de plus, Yaël s'est montrée charmante, se mettant en frais pour son hôte, l'invitant au restaurant et faisant ainsi douter qu'il s'agisse de la même personne qui est capable de tant de méchanceté. C'est vrai qu'il y a toujours eu en elle deux êtres qui cohabitent, l'ange et le démon. Son concert de mardi fut une réussite. Elle a incontestablement fait de très grands progrès techniques et montre beaucoup plus d'assurance ainsi que moins d'agressivité. Elle jouait sur son nouveau violoncelle, qui est un peu sourd et manque pour l'instant de puissance. Son jeu s'en ressentait et n'avait peut-être pas, de ce fait autant de fougue et de spontanéité qu'en d'autres occasions. Il lui manque, de toutes façons, des partenaires à sa mesure.

Yaël, qui voulait une présence familiale à son concert, a été comblée, puisque Joëlle, outre ma mère, avait amené la sienne, qu'elle était allée chercher à Valence, ce qui était une bonne idée. N'en déplaise à ma mère, celle-ci présente mieux qu'elle et sait tout aussi bien apprécier les spectacles auxquels on l'emmène.

M. Henry a dû sortir de l'hôpital aujourd'hui, ce qui ne laisse pas de nous surprendre, car en début de semaine les docteurs se réjouissaient de voir que son taux de globules blancs était remonté à 1600 au millimètre-cube, alors que le taux normal doit se situer entre 6000 et 8000. Il n'a commencer à se lever qu'hier et cela nous semble, à M. Declat et à moi, un peu prématuré de le rendre à la vie extérieure, alors qu'il était encore en chambre stérile avant-hier. Ce qui est préoccupant, c'est qu'il ne veut pas aller en maison de repos et envisage, après deux ou trois jours chez lui, de se rendre dans l'Est, chez sa mère. Nous craignons qu'il ne commette des imprudences et risque une rechute.

Visite impromptue de Marie-Odile, qui était venue avec Ginette Galland et madame Voisin travailler, à titres divers, avec des personnes du CIRTIL. J'ai déjeuner avec elles, bien que je n'aie pas participé à leur séance de travail. Il reste une certaine gêne dans nos rapports, d'autant plus que je n'étais pas préparé à cette rencontre. En outre, je ne me trouvais pas au meilleur de ma forme, fatigué et préoccupé par ma vue, l'esprit assez loin du travail au demeurant.

Samedi 14 mars 1992 (22h.20)


La folie informatique continue. Je suis donc revenu de Grenoble avec un maximum de programmes que j'ai récupérés auprès de mes anciens collègues et auxquels s'ajoute le nouveau traitement de texte que j'ai réussi à obtenir de mademoiselle Spennato. Depuis, j'ai recommencé de passer tout mon temps à mettre au point mon système, installant et désinstallant des logiciels, d'autant plus que se posent maintenant des problèmes de place, et qu'il me faut faire des choix. Le comble fut atteint avant-hier où à la suite d'une opération de réorganisation, je me suis retrouvé avec un disque inutilisable. Il a donc fallu que je passe ma soirée d'hier à réparer les dégâts, et j'ai cru un instant que j'allais perdre le travail de tant d'heures. Fragilité de l'informatique! Heureusement, j'ai assez de métier pour m'astreindre à toutes les précautions qui s'imposent et à m'entourer d'un maximum de sécurités. Tout est maintenant rentré dans l'ordre...jusqu'au prochain incident. Je crois que l'on pourrait difficilement tirer un meilleur parti de mon matériel et, avec des moyens aussi modestes, arriver à plus de résultats. Bien entendu, tout cela est obtenu au détriment du sommeil et des autres activités.

Le problème, c'est qu'il ne suffit pas de mettre en place un progiciel, si évolué soit-il. Encore faut-il étudier sa mise en oeuvre et apprendre à en perfectionner l'utilisation, assimiler toutes ses commandes et en découvrir toutes les subtilités. Je suis partagé entre l'envie de découvrir et de connaître plus, d'un côté, et celle, d'autre part, de pouvoir utiliser tous ces outils pour mes recherches personnels, sans plus avoir à me poser des problèmes techniques. Mais c'est encore trop tôt pour me reposer sur mes acquits, et il faudra attendre longtemps avant de trouver l'équilibre.

Hier, j'ai rejoint Joëlle pour le déjeuner. Sachant que j'avais dû arriver le matin avec une bonne heure de retard, que le repas m'a pris plus d'une heure et demie et que, si je suis resté jusqu'à cinq heures et demie, c'était en partie pour faire des photocopies à mon usage personnel, on ne peut pas dire que je sois actuellement un modèle d'assiduité. J'ai bien parfois un peu mauvaise conscience, mais autant je me livre à fond lorsque j'ai une mission à réaliser, autant j'ai des difficultés à me sentir tenu lorsque les jours déroulent la grisaille d'une routine fastidieuse.

J'ai téléphoné aujourd'hui à monsieur Henry, qui est rentré chez lui depuis jeudi. Il ne m'a pas semblé trop abattu et a eu l'air content de mon appel. Il a un mois d'arrêt de travail, et, même s'il pense venir faire un tour au CIRTIL avant la fin de sa convalescence, cela veut dire que nous allons encore devoir travailler sans lui pendant longtemps. La reprise en main n'en sera que plus dur, mais j'espère que la maladie ne lui aura pas enlevé son énergie.


Dimanche 15 mars 1992 (21h.33)


Le soixante-quinzième anniversaire de ma mère tombant un jour de semaine, et Joëlle étant prise samedi et dimanche prochains, nous avons décidé d'anticiper la célébration de l'événement. Nous avons invité Aurore et Lionel à se joindre à nous pour manger un couscous dans un restaurant de Saint-Fons, puis nous sommes retournés à la maison pour partager le gâteau que j'avais acheté au préalable et prendre, dans l'intimité, café et digestif. Lionel est allé chercher des fleurs pour ma mère, et nous lui avons offert un sac de voyage que Joëlle était allé acheter hier après-midi.

Une fois de plus, ma mère aura pensé - et dira - que nous passons toujours en coup de vent, car nous ne nous sommes pas attardés, et, en milieu d'après-midi, nous sommes remontés chez nous. Il est vrai que nous nous lassons vite de la compagnie, fort peu attrayante, de ma mère, mais il y a surtout le fait que nous voulons, Joëlle et moi - et Blandine également, d'ailleurs -, faire tellement de choses que le temps nous fait toujours défaut. Même Aurore, qui n'a pas le même besoin de présence, nous reproche parfois de ne pas venir la voir. Les journées sont trop courtes, et nous n'arrivons pas à comprendre comment certaines personnes peuvent s'ennuyer.

Lundi 16 mars 1992 (18h.31)
Me voilà donc célibataire pour trois jours: Joëlle est partie à Aubenas jusqu'à mercredi. Ces déplacements risquent de se faire de plus en plus fréquents, si tant est que l'on puisse faire des pronostics sur l'avenir. La mobilité était, de toutes façons, une des conditions requises pour décrocher l'emploi qui est le sien, et elle s'y était engagée dès le départ. Mais cela ne va pas sans perturber la vie familiale. Je reste donc une fois de plus seul avec Blandine, qui n'est pas, actuellement, une compagnie particulièrement agréable et réconfortante. Heureusement, j'ai mes occupations et il ne me reste guère de loisirs pour me morfondre.
Henri m'a longuement téléphoné, après plusieurs mois de silence. Il est vrai qu'il ne dispose pas d'une ligne directe au travail et que l'attitude de Sophie ne lui permet pas de m'appeler de chez lui comme il le souhaiterait. En outre, il lui est arrivé de chercher à me joindre alors que je n'étais pas disponible. Il avait appris mon passage à Grenoble, et c'est peut-être cela qui l'a incité à reprendre contact. Il m'a surtout parlé de monsieur Coppey, auquel il garde une rancune tenace et qu'il rend responsable de l'échec des études musicales d'Emmanuelle. Qui a raison, qui a tort? Avec Henri, il est difficile de savoir et je n'ai, pour l'instant, qu'une version des faits. Ce qui est sûr, c'est que ni l'un ni l'autre n'ont été habiles. Et le dégoût du piano qu'éprouve Emmanuelle est sans doute dû autant à la surcharge de travail imposée par un professeur soucieux de se faire valoir par l'intermédiaire d'une élève brillante qu'à l'excès de zèle d'un père aussi maladroit que bien intentionné. En ce qui concerne l'attitude de Joseph envers les petites filles, je suis mal placé pour lui jeter la pierre, mais je ne suis pas surpris qu'il puisse planer une certaine ambiguïté dans ses rapports avec ses élèves. Ce sont "les risques du métier" et l'enseignement crée des liens particuliers que certains peuvent être tentés d'exploiter.


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