Journal intime



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Lundi 30 mars 1992 (21h.58)
Le CIRTIL vit dans l'attente. Tout le monde se demande qui sera nommé à la place de monsieur Henry, et quelles seront les répercussions sur l'avenir des deux établissements. Impossible actuellement de faire des projets, et monsieur Declat m'a dissuadé de préparer un plan de formation, en tout cas de le présenter, au risque de travailler pour rien si les options qui sont prises par le prochain directeur ne vont pas dans le même sens. Ce n'est pas une position commode, mais c'est effectivement la voix de la raison. De toutes façons, il n'est pas question pour moi de m'engager à quoi que ce soit tant que je ne sais pas à quoi m'en tenir en ce qui concerne ma santé.

Joëlle a été obligée de partir ce matin à Aubenas pour remplacer un collègue dont le fils s'est suicidé. Elle reviendra demain soir et a juste eu le temps de me prévenir.

Le temps s'améliore très lentement. Le soleil a fait son apparition cet après-midi, mais un vent violent n'a pas permis à la température de remonter sensiblement. Samedi matin, il y avait encore de la neige et l'hiver qui avait été clément semble vouloir redoubler de rigueur avant de se retirer.

Une fois de plus, je me suis laissé entraîner à des expérimentations informatiques qui m'ont pris tout le temps dont je disposais ce soir. Je ne regrette rien, car j'ai fait d'intéressantes découvertes, mais je m'aperçois qu'il serait déjà l'heure d'aller se coucher, alors que j'avais encore plein de projets. Les journées sont trop courtes, même lorsque je ne m'attarde pas à Vénissieux. Me lasserai-je un jour et m'arrivera-t-il de ne pas savoir quoi faire de mon temps?

Jeudi 2 avril 1992 (21h.46)
Quel soulagement! Bien sûr, après coup, il est facile de se dire que c'était absurde de s'inquiéter ainsi, mais il n'en est pas moins vrai que je n'en menais pas large et que je voyais déjà compromis tous mes projets, personnels ou professionnels. De fait, si mon oeil droit me lâche, que pourrai-je faire? Mais, alors que je m'attendais au pire et me voyais déjà parti pour une nouvelle opération, il ne s'agissait que d'un problème du corps vitré, gênant certes, mais sans gravité. Me voilà donc rassuré et plein d'ardeur et de confiance. Maintenant, je vais pouvoir me mettre au travail et même mettre les bouchées doubles. Si ma carcasse daigne me suivre et me laisser tranquille, qu'est-ce qui m'empêchera de mettre à exécution mes idées? J'avais déjà retrouvé un peu de confiance en voyant que la journée se présentait sous de bons augures. Tout me réussissait: j'ai commencé par retrouver, ce matin, un billet de cent francs, oublié dans un porte-cartes; au travail, j'ai réussi à installer un système d'exploitation DOS sur mon matériel UNISYS, ce qui m'ouvre des perspectives très riches. En outre, j'ai découvert dans mon bureau plusieurs brochures techniques extrêmement intéressantes dont je ne soupçonnais pas l'existence et j'ai pu faire des essais de programmation en assembleur qui se sont révélés tout à fait positifs.

Hier soir, nous avons vu "Esquilache", film de Josefina Molina. Excellente reconstitution historique, très bonne interprétation de Fernando Fernán Gómez, un spectacle de qualité, malgré tous les défauts inhérents au genre.

A la bibliothèque de l'URSSAF, j'ai emprunté aujourd'hui un album de Serge Gainsbourg, un disque de Pierre Bachelet et Gayaneh de Khachaturian. Avant-hier, j'avais pris à Saint-Jean le textes des chansons de Gainsbourg, ainsi qu'un livre d'informatique.

Samedi 4 avril 1992 (14h.57)


Froid, pluie, grisaille: c'est comme si nous étions revenus en hiver, après nous être crus au printemps. Ce temps incite à se replier sur soi et à s'enfermer au foyer. Et c'est peut-être aussi bien ainsi, car, avec toutes les activités que nous avons actuellement, je ne sais pas comment nous ferions si le soleil nous attirait dehors.

Hier soir, nous avons vu "Maître Puntila et son valet Matti" de Brecht, au TNP. Ce fut un grand moment de théâtre. Marcel Maréchal, qui assurait la mise en scène, réalise, dans le rôle de Puntila, une performance éblouissante. Il occupe la scène presque d'un bout à l'autre de la pièce avec une vitalité et une présence remarquables. A ses côtés, Pierre Arditi incarne un Matti attachant, plein de finesse et de sensibilité. Le spectacle, qui dure plus de trois heures et demie, est mené avec alacrité et n'ennuie pas un seul instant. Une des meilleures soirées que nous ait offert le TNP.

J'ai commencé d'appliquer hier les résolutions que j'avais prises avant de consulter le docteur Leynaud. J'ai contacté Catherine Spennato, qui doit m'apporter la semaine prochaine son ordinateur pour que je l'essaye avant de le lui acheter. J'ai mis Joëlle au courant de mes projets et je ne peux pas dire que, sur le coup, elle l'ait bien pris. J'ai essayé de lui expliquer mes raisons et de lui démontrer que je ne faisais pas une mauvaise affaire puisque j'aurais payé aussi cher, sinon plus, que mes deux ordinateurs un Amstrad équivalent au matériel dont je pense faire l'acquisition. Je ne suis pas sûr d'avoir dissipé ses doutes. Ce qui la surprend, c'est que je ne veuille cependant pas me dessaisir de mon premier micro auquel je me suis malgré tout attaché. Le problème qui se pose, c'est que je n'ai pas la place de le garder ici. Si j'étais sûr qu'ils en aient l'utilité, je serais assez disposé à le prêter à Aurore et à Lionel. Mais je ne voudrais pas que ce soit un cadeau empoisonné et cela mérite réflexion.

Lundi 6 avril 1992 (21h.28)


La forte impression causée par l'interprétation de Maréchal et d'Arditi m'a fait oublier de parler, samedi, de la pièce elle-même. Il s'agit pourtant là d'une oeuvre de première importance et dont le propos est grave, malgré le parti-pris comique. La satire est cinglante et certaines répliques qui font mouche mériteraient d'être analysées.

Hier, nous avons vu deux films de langue espagnole. Tout d'abord, un film argentin, "La última siembra", de Miguel Pereira, oeuvre un peu lente qui nous fait partager sans emphase les drames provoquées par le changement inconsidéré de méthodes d'exploitation agricoles. Les aspects sociaux, humains, techniques et politiques sont habilement entremêlés et l'enchaînement des événements est tout à fait crédible.

Le soir, nous sommes allés voir un film catalan, "Que t'hi jugues, Mari Pili", de Ventura Pons. Ce fut un moment de divertissement, sans prétentions, certes, mais on ne peut s'empêcher de penser, avec regrets, à ce qu'aurait fait Almodóvar avec un tel sujet. Si ce n'était le plaisir - et l'utilité - d'entendre parler catalan, j'aurais un peu regretter ma soirée.

En début d'après-midi, nous étions allés voir madame Poupignon, qui avait des documents sur Séville à nous montrer. Puis, entre les deux films, nous sommes allés dîner à Saint-Fons.

Je ne manquerai pas de candidats pour récupérer mon Amstrad. Non seulement Aurore et Lionel sont intéressés, mais Yaël, à qui nous avons téléphoné samedi, nous a dit que François aimerait bien avoir un ordinateur pour faire son courrier. Et Joëlle se demande s'il ne faudrait pas le garder pour Blandine et pour elle-même... le jour où elle se décidera à prendre des cours avec moi.

Mardi 7 avril 1992 (20h.44)


Comité technique SNV2 à Moulins. J'ai fait le trajet, dans la voiture de Lassonde, avec Danve, Rioult et madame Roche. La réunion a été menée tambour battant par monsieur Chauchard, l'actuel directeur de l'URSSAF de Moulins, qui, nous l'avons appris plus tard, partait l'après-midi pour Montpellier, de sorte qu'au moment du repas la séance était considérée comme terminée. Nous avons déjeuné à la Petite Auberge, où l'on mange toujours aussi bien. L'après-midi, nous avons examiné entre nous quelques problèmes que nous n'avions pas eu le temps de voir le matin. Puis, vers quatre heures, nous avons repris la route. Alors que nous étions venus par Roanne, nous sommes repartis par Charolles et Mâcon, ce qui nous a pris sensiblement le même temps. Au total, le repas a duré autant que le comité, et les trajets plus que les deux réunis. C'est le revers de ces réunions itinérantes. Marie-Odile étant en formation à Paris cette semaine, c'est Ginette Galland qui représentait l'URSSAF de Mâcon.

J'ai été agréablement surpris par l'évolution de Lassonde qui, face à l'intransigeance de Danve, s'avère capable de défendre le point de vue des utilisateurs, au lieu de prendre le parti du CIRTIL. En outre, mon initiative de monter une base de données répertoriant la documentation du système national a été bien reçue et il m'a encouragé à continuer, en attendant les remarques et suggestions des utilisateurs. Nous verrons bien si ces signes positifs se confirment.

Mercredi 8 avril 1992 (21h.38)
Autant par goût du changement que par besoin de rationalité, j'ai modifié complètement la disposition de mon bureau à Vénissieux. Depuis plus de trois ans que j'occupe ces locaux, je ne les avais encore jamais vraiment arrangés à mon goût, hormis les décorations que j'ai accrochés aux murs. J'ai maintenant mon terminal et mon micro-ordinateur à portée de la main, et les meubles sont répartis entre deux espaces de travail que j'estime avoir aménagés de façon harmonieuse. Ce sont maintenant de nouvelles habitudes qu'il va falloir prendre et c'est à l'usage que je verrai si j'ai réussi mon installation.

Je peux maintenant me considérer définitivement domicilié dans ce bureau du rez-de-chaussée que monsieur Henry m'avait laissé investir. Ma place au premier étage a été récupérée par les opérateurs qui travaillent sur micro-ordinateurs et l'on m'a demandé de vider les tiroirs et étagères que je mobilisais encore dans le bureau de Bonnefoy. Cela n'est pas fait pour me déplaire, dans la mesure où cela rend presque irrévocable ma séparation de l'exploitation. Il ne restera plus qu'à convaincre le successeur de monsieur Henry de l'utilité de ma fonction.

Jeudi 9 avril 1992 (20h.29)
Mon déplacement à Mâcon ayant été annulé, j'ai convaincu Joëlle de venir me rejoindre à Vénissieux ce midi. Je n'avais pas bien envie d'aller manger à Pierre-Bénite et je voulais surtout lui montrer mon nouveau cadre de travail que j'ai eu le loisir d'expérimenter aujourd'hui. Nul doute que je suis maintenant mieux installé et que cela facilite ma tâche, ce qui est déjà beaucoup. Non content d'avoir bouleverser la disposition de mon bureau, j'ai arrangé aujourd'hui la salle de travaux pratiques, qui semblait un peu vide depuis que Declat et Lassonde ont chacun récupéré un des terminaux sur lesquels je faisais travailler les stagiaires. Bien entendu, la reprise des formations impliquera pour moi une modification de la disposition des lieux, mais comme rien n'est prévu pour l'instant, autant s'accommoder de cette situation et s'installer au mieux dans ce provisoire qui risque de se prolonger. Nonobstant, j'ai commencé d'élaborer les propositions de formation que j'ai l'intention de soumettre au prochain directeur du CIRTIL.

Pour une fois, depuis bien longtemps, Blandine, ce soir, n'a pas été désagréable. Nous avons tellement l'habitude, désormais, qu'elle soit constamment renfrognée et discourtoise que les moindres moments de détente sont perçus comme des journées de soleil au milieu de l'hiver. Au demeurant, c'est à peu près ce que nous vivons actuellement: le beau temps a quelques difficultés à triompher du vent et des nuages. Il fait encore froid et la pluie menace régulièrement. Peut-être trouverons nous la chaleur en Espagne.


Dimanche 12 avril 1992 (22h.31)
Cela fait donc trois jours que je n'ai pas écrit dans ce journal, et c'est tout juste si je trouve un peu de temps aujourd'hui pour noter ce qui s'est passé depuis jeudi. Le principal responsable, c'est l'ordinateur, une fois de plus, mais cette fois-ci il s'agit de celui de Catherine Spennato, dont j'ai pris livraison vendredi soir et que j'ai dû adapter à mes convenances personnelles. Même s'il présente quelques inconvénients (un clavier moins agréable, un problème avec le connecteur série, des disquettes plus bruyantes, pas de réglage du signal sonore...), c'est presque comme si l'affaire était faite, vu ce qu'il m'apporte. J'ai eu beaucoup de travail pour y réinstaller tout ce que j'avais dans mon ordinateur sans perdre ce que Catherine Spennato y avait laissé et pour commencer de mettre en place les logiciels que mon matériel ne me permettait pas d'utiliser, mais le fait même que ce soir j'écrive sur mon nouvel outil de travail est bien la preuve que je l'ai désormais adopté.

Je n'ai tout de même pas fait que cela durant ces trois jours. Vendredi soir, nous avons assisté au spectacle de Bartabas, "l'Opéra équestre", mélange de musiques traditionnelles, de numéros de cirque, de voltige et de dressage de chevaux. Deux heures où alternent les sensations fortes et les émotions plus délicates.

Hier soir, nous recevions Aurore et Lionel. Dès leur arrivée, il était visible que quelque chose n'allait pas. Aurore a expliqué à sa mère qu'elle ne s'entendait plus avec Lionel et qu'elle avait fait une autre rencontre. Ce n'est pas complètement une surprise, dans la mesure où nous savions bien qu'Aurore était loin d'avoir trouvé son idéal et qu'il y avait beaucoup de choses qu'elle supportait mal. Mais nous avions fini par accepter Lionel et il était tellement intégré à notre vie qu'il n'est pas évident pour nous d'imaginer que cela peut finir du jour au lendemain. Et puis il y a Grégory, auquel je m'étais attaché et pour lequel je regrettais de ne pas pouvoir faire plus. Qu'adviendra-t-il de son père et de lui?

Aujourd'hui, c'est Yaël et François qui sont venus déjeuner. Pour eux, tout semble bien aller, et il n'en sont pas à parler de leurs problèmes. Pourvu que cela dure, d'autant plus que François est très agréable et qu'il est tout à fait à sa place dans la famille.

Ce matin, j'ai téléphoné à Marcel Chilou, dont j'avais appris vendredi qu'il était malade. Il s'agit toujours en fait des conséquences de ses excès alimentaires et de boisson. Son foie est apparemment bien atteint et il est obligé désormais de prendre sa santé en considération. Le régime stricte auquel il est astreint lui pèse, mais peut-être est-il déjà bien tard pour agir.

Mardi 14 avril 1992 (23h.16)


De nouveau je me laisse prendre tout mon temps par l'ordinateur. Je ne fais plus rien d'autre que de fignoler mon système et de mettre au point un outil dont j'ignore encore quand je pourrai enfin l'utiliser pour moi. Pour l'instant, ce serait plutôt lui qui m'utilise. Je me couche de plus en plus tard et je prends du retard pour tout ce qui n'est pas de l'informatique. Je ne lis plus les journaux et les dernières revues, pourtant fort intéressantes dont j'ai fait l'acquisition récemment (numéro spécial du Nouvel Observateur sur l'Espagne, supplément du Monde consacré à l'Expo de Séville, hors-série de Télérama sur l'opéra...) risquent de sommeiller quelque temps. Même l'"Histoire du juif errant" de Jean d'Ormesson, que m'avait prêté Marcel et que j'ai commencé de lire est restée de côté, bien que ce soit un texte fort agréable. La seule chose que je n'ai pas abandonnée et à laquelle je m'accroche, c'est ce Journal, qui pâtit certes quelque peu de cette vie désordonnée et délirante que je mène actuellement, mais auquel je reviens plus ou moins régulièrement.

Aujourd'hui, je suis allé à Mâcon où la journée a été, une fois de plus, longue et bien remplie. Marie-Odile était là, alors que je la pensais en congé, et nous avons travaillé ensemble. Nos rapports sont simplement cordiaux et je sens bien que, tout en restant amicale, elle s'efforce de garder ses distances. C'est dommage, je pense que nous aurions pu nous entendre, mais je n'ai même plus vrai ment de regrets.

Hier, j'ai été agréablement surpris par l'attitude de Lassonde, qui s'est montré capable de fermeté et de décision. Il nous a donné son point de vue sur la réunion qui s'est tenue le 7 à Moulins et cela m'a fait prendre conscience de mes propres impressions sur lesquelles je ne m'étais pas arrêté. Or il s'avère que nous ne sommes pas les seuls à avoir été intérieurement indisposés par la façon dont s'est déroulé ce comité-marathon (j'en ai discuté avec mademoiselle Petit, avec mademoiselle Molus et, aujourd'hui, avec Ginette Galland). Si Lassonde se décide à prendre les choses en main, il y aura peut-être moyen de travailler avec lui, mais il est trop versatile et lunatique pour que l'on puisse lui faire vraiment confiance.

Hier soir, Joëlle a téléphoné en Espagne et nous sommes maintenant assurés de pouvoir nous arrêter à Cerdanyola et à Zaragoza. Ce soir, elle est à Oyonnax où elle doit passer deux jours.

Jeudi 16 avril 1992 (20h.53)
Mes efforts commencent à porter leurs fruits. Mon intérêt pour la micro-informatique a été remarqué et l'on commence à me consulter sur ce sujet. Même si je ne suis pas encore totalement en mesure de répondre aux questions qui peuvent se poser, l'important pour moi est que l'on songe à moi dans un domaine qui n'est pas normalement de mon ressort et dont j'ai choisi de forcer les portes. Le tout, c'est d'arriver à s'imposer et de démontrer ses capacités. Pour cela, il faut beaucoup de travail, une détermination résolue, une grande patience et un peu d'audace. Je crois que je suis prêt à engager tout cela pour arriver à mes fins qui ne sont rien d'autre que de pouvoir mettre en accord mes activités professionnelles et mes goûts personnels.

Vendredi 17 avril 1992 (22h.37)


Si j'essaye de m'examiner avec un oeil critique, je retrouve dans mon comportement actuel des traits qui sont caractéristiques de mon tempérament et de ma façon d'agir. Pour cette aventure informatique dans laquelle je me suis embarqué, je procède de la même manière que pour mes autres passions: j'emmagasine au-delà de mes possibilités d'absorption. Je voudrais tout avoir, tout connaître et tout savoir. Tout comme j'enregistrais les intégrales des compositeurs que j'aimais, je récupère tous les logiciels qui passent à ma portée, même si je n'ai pas la place de les installer ni le temps de les découvrir. La documentation informatique s'entasse dans mes placards comme les livres sur mes étagères ou les cassettes dans mes armoires. Je voudrais tout essayer et maintenant que j'ai deux ordinateurs, je trouve à les utiliser tous les deux. La place sur disque commence déjà à me manquer et, si je continue, je vais finir par trouver la mémoire insuffisante. Je vis toujours avec excès, et cet excès se traduit souvent par l'accumulation.

Qu'est-ce donc qui me passionne dans ce sujet que sa technicité peut faire paraître froid et inhumain? Il faut tout d'abord reconnaître qu'il semble convenir à mon esprit, peut-être conditionné par des années de pratique professionnelle. On ne travaille pas impunément pendant plus de vingt ans sur ces étranges machines sans en rester imprégné, voire déformé. J'ai, en tout cas, dans ce domaine une aisance que je peux montrer difficilement ailleurs. De cette facilité, mais aussi d'une certaine disposition de mon esprit, méthodique et inventif, naît une jouissance que j'ai rarement éprouvé dans d'autres activités. Cela représente enfin une compensation à un travail où ma personnalité ne trouve pas toujours à s'exprimer et où je reste prisonnier d'un cadre qui finit par me peser. Avec le micro-ordinateur, l'informatique est enfin à moi, je la fais et ne la subis plus.

Bien entendu, je suis conscient des excès où m'entraîne cette passion et de tout ce dont elle m'a détourné. Je sais que le mouvement de balancier qui conduit ma vie me ramènera de l'autre côté avant de se stabiliser. Au demeurant, je n'ai pas renoncé autant que je veux bien le dire à toute activité culturelle. Je lis encore un peu, j'écoute de la musique. C'est toutefois insuffisant et je ne m'en contenterai pas toujours. Mais, pour l'instant, il faut que j'aille jusqu'au bout.

Me voici donc en congé. Et notre départ pour l'Espagne va me forcer à m'éloigner un peu de cette obsession. Il va falloir que je me replonge dans d'autres langues et d'autres modes de vie, il va falloir sortir de moi-même. Au retour, reprendrai-je avec la même ardeur mes occupations actuelles ou éprouverai-je comme souvent le besoin de prolonger la magie de ce retour au pays de mon coeur?

Dimanche 19 avril 1992 (20h.40)
La journée d'hier n'était sans doute pas placée pour moi sous un bon signe astral. Rien de ce que j'ai entrepris n'a été couronné de succès. Je n'ai pas cessé d'avoir des problèmes matériels ou logiciels avec l'ordinateur de Catherine Spennato que je n'arrive pas à connecter à l'Amstrad, malgré un échange du câble que j'avais acheté vendredi à la FNAC. Plusieurs des programmes que j'ai mis en place ne fonctionnent pas correctement et, pour parachever le tout, j'ai commis, dans mes comptes, une erreur de saisie dont j'ai eu beaucoup de peine à effacer les répercussions. Tout cela m'a fait perdre beaucoup de temps et, par voie de conséquence, je me suis couché très tard. Seule consolation, j'ai réussi à intéresser Blandine à un jeu fort bien fait que j'avais rapporté du CIRTIL et qui l'a fait veiller presque autant que moi. Joëlle, par contre, reste toujours aussi fermée aux plaisirs de l'informatique et porte un regard réprobateur sur mes activités actuelles. Nous avons eu ce matin une discussion désolante d'où il ressort que j'ai beaucoup baissé dans son estime depuis que je passe mon temps devant mon écran et que mon esprit est envahi par des soucis techniques. Peut-être changera-t-elle de point de vue lorsque tout ce travail portera ses fruits.
Beaucoup plus affligeante a été la conversation que nous avons eu ce soir avec Bruno, qui est arrivé avec ses parents à Saint-Fons pendant que nous y étions. Difficile d'être à la fois aussi limité et convaincu de sa valeur. A l'écouter, il est assuré d'entrer en première S sans travailler, et il se voit déjà arriver ingénieur tout en continuant à ne songer qu'au plaisir et au repos. De toutes façons, s'il échoue, il trouvera toujours un bouc émissaire à qui faire porter le chapeau de ses insuccès. Et comme on ne peut se permettre de le remettre à sa place et de lui envoyer, devant ses parents quelques vérités qu'il n'est pas habitué à entendre, cela m'a irrité intérieurement au plus haut point. Et dire qu'il voudrait que nous l'emmenions en vacances!

Dimanche 3 mai 1992 (22h.20)


Durant ces deux semaines de vacances, j'ai renoncé à poursuivre ce Journal, non seulement pour des raisons techniques - l'obligation de revenir à un support papier, en l'absence d'ordinateur -, mais aussi pour me rendre disponible et vivre pleinement ces moments que nous passions en Espagne. Bien entendu, il me reste maintenant à récupérer tout ce que je n'ai pas fait et le temps risque de me manquer. J'ai certes pris quelques notes pour me rappeler les principaux détails de notre voyage, mais il n'est pas question de refaire notre carnet de route et de s'attarder à retracer chaque minute de notre vie. Ce que je vais essayer de noter, ce sont les impressions générales et les événements marquants de ce séjour.

Et tout d'abord, il faut reconnaître que ce voyage que j'entreprenais avec un enthousiasme très mitigé a été une totale réussite. Non seulement nous n'avons eu aucun problème et rencontré aucune difficulté, mais nous avons tous les trois trouvé plus de satisfactions que nous n'en attendions. Cette exposition universelle de Séville, dont Joëlle rêvait depuis plusieurs années, vaut le déplacement et chacun peut y trouver son plaisir. La preuve en est que, loin d'être rassasiée, Joëlle n'aspire qu'à retourner à l'Expo et que, nous, nous sommes prêts à la suivre.

Parmi les agréments de ce voyage, le moindre n'aura pas été l'attitude de Blandine qui, durant ces deux semaines, s'est montrée plaisante et détendue comme elle ne l'avait pas été depuis longtemps. Elle conservait pourtant le souci de ses études et de son instrument (qu'elle avait tenu à emmener), et a mis à profit toutes les occasions qui se sont présentées pour travailler. Mais quand elle était avec nous elle était d'une gentillesse et d'une bonne humeur que nous aimerions retrouver plus souvent.

Lundi 4 mai 1992 (22h.02)


Les vacances sont bien terminées. La pluie qui, samedi, nous a accompagnés de Barcelone à Lyon le disait déjà, après deux semaines de beau temps. Et, aujourd'hui, il a fallu reprendre le chemin du CIRTIL où il ne s'était pas passé grand chose depuis mon départ. On attend toujours la nomination d'un nouveau directeur pour lequel un appel de candidature vient d'être passé, après de laborieuses tergiversations. Les deux directeurs-adjoints sont sur les rangs, et la lutte promet d'être acharnée.

Antoine Machi a téléphoné ce soir pour nous inviter en Alsace, mais nous ne pourrons accepter, car Blandine est trop prise et nous-mêmes n'avons guère de temps.


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