André Nazac, médecin gynécologue obstétricien à Montreuil - ancien président du syndicat des Chefs de Clinique Assistants
LA TROISIEME GAUCHE
Plus encore que la défaite politique, c’est sans aucun doute la défaite intellectuelle qui doit interpeller le plus les dirigeants de la gauche. Sur de nombreux sujets de société, celle-ci, à commencer par le parti socialiste, n’a pas été en mesure d’opposer au candidat Sarkozy une argumentation claire susceptible de convaincre les électeurs. L’exemple de Mai 68 est à ce propos significatif. Nicolas Sarkozy a pu, sans véritablement être inquiété, condamner sans appel la « pensée 68 » et ceci, sans que la gauche lui rappelle par exemple que dans certains domaines comme celui de l’urbanisme, la droite elle-même, durant les premières années du septennat Giscard, avait repris à son compte plusieurs idées développées au cours de ce mois de mai 68. Le candidat néo-libéral, sous couvert de rupture, a pu tranquillement convaincre les Français de son programme sans que la gauche soit en mesure de lui opposer une vision claire et cohérente de la société qu’elle envisageait pour la France du XXIème siècle.
Au lendemain de ce 6 mai 2007, il paraît acquis que le cycle d’Epinay s’achève. La stratégie qui consistait à s’appuyer sur le parti communiste a disparu faute d’allié. Le parti socialiste se retrouve en fait seul face à son destin. Il lui faut donc inventer une autre gauche, une troisième gauche en quelque sorte qui, sans écarter les Verts et les communistes, parvienne à amener à elle d’autres forces politiques qui se retrouvent dans les mêmes valeurs. Sans perdre les leçons de la première gauche (mitterrandienne) sur la tactique politique, il lui faut également prendre à son compte l’héritage intellectuel de ce que naguère on a appelé la « deuxième gauche » et qui a été trop souvent rejetée par la première au motif que Michel Rocard en était le principal inspirateur.
Certains thèmes mis en avant par la candidate socialiste au cours de la campagne présidentielle s’inspirent pourtant directement d’expériences lancées par des élus socialistes issus de cette culture politique comme Hubert Dubedout à Grenoble qui, dès 1965, lançait les GAM (Groupe d’action municipale). Ceux-ci sont parvenus à faire réfléchir autour de thèmes comme les communautés d’habitants et la démocratie locale au quotidien, des communistes, des socialistes et des chrétiens. Au cours de ses années de pouvoir, la gauche s’est trop laissé enfermer dans une technocratie qui a fini par l’asphyxier totalement du point de vue intellectuel. La Politique de la Ville en est un exemple parmi d’autres. Après un discours politique sur le développement social des quartiers initié par le même Hubert Dubedout d’ailleurs, la gauche, dans les années 1990, s’en est remis à une orientation plus gestionnaire et technocratique qui l’a coupée des forces vives qui composent pourtant ces zones urbaines en mouvement. Dans l’un de ses ouvrages, le sociologue Olivier Masclet a d’ailleurs montré comment, au cours de ces années, le divorce entre la gauche et les cités s’est opéré.
En réalité, plus qu’à une alliance politique avec les centristes qui paraît bien improbable à l’heure actuelle, c’est à une recherche de convergences intellectuelles que les socialistes doivent se livrer avec celles et ceux qui se réclament de la démocratie chrétienne. Les thèmes liés justement à l’expression de la démocratie locale qui permettent de se retrouver entre habitants pour discuter, échanger, travailler, appartiennent à un registre sur lequel les socialistes et les démocrates chrétiens peuvent aisément se retrouver face à une droite libérale qui préconise plutôt une juxtaposition de propriétaires soucieux avant tout de leurs intérêts particuliers. Il faut aussi, de ce point de vue, que la gauche soit de nouveau en capacité de parler à celles et ceux qui vivent dans les cités populaires ainsi qu’à ceux qui y travaillent au quotidien, à commencer par les enseignants et les travailleurs sociaux qui, pour la plupart d’entre eux, ont aujourd’hui perdu espoir dans la gauche gouvernementale et ses ambitions réformatrices. Cela passe aussi par la reconstitution des réseaux qui assurèrent par exemple le succès du PSU dans les années 1970 concernant la vie sociale des grands ensembles. Il ne doit pas y avoir de sujets tabous de discussion. Les expressions politiques qui se sont exprimées au cours des débats participatifs initiés par Ségolène Royal doivent servir de base à un nouveau dialogue entre toutes les forces sociales du pays, y compris celles qui se situent dans la lignée séculaire du christianisme social et qui partagent avec les composantes de la gauche les mêmes valeurs. Il ne faut pas perdre de vue que dans les années 1960, autour de la guerre d’Algérie notamment, il a existé de profondes convergences entre progressistes issus pour une part du syndicalisme chrétien et d’autre part, les socialistes qui ont su s’émanciper de la vieille SFIO dirigée par Guy Mollet. N’oublions pas non plus que Jacques Delors par exemple, avant de rejoindre le parti socialiste, a été l’une des chevilles ouvrières du concept de Nouvelle société défendue en son temps par Jacques Chaban Delmas. Si la logique née du congrès d’Epinay a certes permis aux socialistes de conquérir le pouvoir, elle a aussi mis en avant une logique de bloc contre bloc, obligeant ainsi certains militants sociaux à choisir ou non nettement la stratégie de l’union de la gauche au détriment d’un positionnement plus large.
La gauche doit donc réinvestir les cercles intellectuels, les lieux de débats beaucoup plus qu’elle ne le fait aujourd’hui. Elle doit davantage se rapprocher et s’inspirer de cercles intellectuels comme celui de la République des Idées animé par Pierre Rosanvallon. Le temps est venu de développer à nouveau les clubs politiques qui, sans être affiliés directement au parti socialiste, lui servaient de vivier à idées. Le succès de l’ouvrage « L’autre campagne » paru au début de cette année témoigne de la nécessité pour la gauche de gouvernement de pouvoir s’inspirer de cercles de pensée souvent audacieux en termes de propositions. Il lui faut favoriser la parole d’une nouvelle génération d’intellectuels qui, proches de la mouvance sociale démocrate, n’ont toutefois pas forcément envie de s’engager dans un parti qui n’a toujours pas réussi à faire son aggiornamento et qui tient ces cercles de réflexion trop en lisière de ses pratiques. Plus que de regretter la « conversion » d’anciens maoïstes au sarkosisme, elle doit ouvrir très largement ses portes à ces jeunes intellectuels à l’image de l’économiste Thomas Piketty qui s’est clairement engagé dans la campagne aux côtés de Ségolène Royal.
En tout état de cause, la gauche ne peut se contenter d’une logique gestionnaire, comptable même de la politique. C’est également dans le débat d’idées qu’elle doit s’imposer à nouveau. Elle doit renouer le dialogue intellectuel avec toutes celles et ceux qui refusent que les valeurs du repli sur soi, de l’entre soi ne deviennent les nouvelles valeurs nationales. En cela, la prochaine élection présidentielle prévue en 2012 doit être son nouvel horizon. Pour y parvenir réellement, elle doit remettre à plat toute sa doctrine dans un nouveau cadre institutionnel et sociétal qui s’incarnera dans une VIe République.
L’invention d’une nouvelle République, démocratique, égalitaire et sociale, qui se retrouve dans les valeurs exprimées par exemple par le Conseil national de la Résistance dont à l’époque, en l’absence d’une droite largement compromise avec le régime de Vichy, communistes, socialistes et démocrates chrétiens étaient les portes paroles, doit désormais être le nouvel horizon de tout ceux qui ne se retrouvent pas dans le programme du nouveau chef de l’Etat. Avant même de parler arithmétique électorale, c’est de débats d’idées dont la gauche a le plus besoin. Pour finir sur une référence désormais proscrite par le nouveau pouvoir en place puisque héritière directe de Mai 1968, celle de l’autogestion et de l’aventure des LIP, c’est l’imagination qui ramènera la gauche au pouvoir dans cinq ans. Le combat est à engager dès maintenant, c’est-à-dire pour la bataille des législatives.
Thibault Tellier, maître de Conférences en histoire contemporaine à l’Université de Lille III
RECONSTRUCTION DE L'EDIFICE PS : ON DEMANDE UN ARCHITECTE
Si dans l'absolu et pour assurer la démocratie il y a nécessité d'une opposition forte au gouvernement en place, l'appréciation sur les moyens et le moment pour créer cette force de critique peuvent diverger.
Lorsque l'on a un édifice en ruine, les conducteurs de travaux sérieux diront que l'on ne reconstruit pas sur une base branlante, et qu'il vaut mieux raser ce qui reste. Pour les législatives à venir il y a donc deux alternatives pour la maison PS: Soit on replâtre pour limiter les dégâts et essayer d'avoir une représentation significative à l'assemblée, et le chantier PS est toujours en désordre; ou bien on fait l'impasse pour l'échéance à venir et l'on prend du temps pour penser sereinement la reconstruction. Personnellement j'opterais pour cette dernière solution, et donc accepterais le "risque" de laisser les mains libres au pouvoir en place. Il reste qu'aujourd'hui on ne voit pas clairement les piliers porteurs de cet édifice PS, même si Ségolène Royal me semble en être la clef de voûte incontournable.
Claude Fricard (Houdan)
J'ai toujours voté socialiste depuis Mitterrand aujourd'hui j'en ai marre des querelles de "chefs". Mettez des gens plus jeunes (Veillon, Montebourg etc.) et que S. Royale améliore sa voix avec une orthophoniste car tous les détails ont une importance: c'est pourquoi nous avons Sarkozy pour 5 ans pourvu que ce ne soit pas pour 10 ans... J'arrête, je recommence à être malade!!!
Jou-ferre
QU'INCARNE LA SOCIAL-DEMOCRATIE, QUE VOULONS-NOUS INCARNER ?
Partons de la social-démocratie au sens historique. (sur wikipedia) Ce terme a servi a désigné toutes sortes d'idéologies, marxistes au départ, puis positionnées contre le marxisme au sens moderne. Une des références est notamment le congrès de Bad-Godesberg où le parti socialiste allemand abandonne toute référence au marxisme, et accepte l'économie de marché (« le marché autant que possible, l'intervention publique autant que nécessaire. ») [et, historiquement, la fin de la neutralité vis à vis des blocs est-ouest]
Si c'est ce sens que nous acceptons, le PS est socdem depuis un moment.
On a ensuite associé ceci à la pratique notamment du parti allemand, ou de certains partis d'Europe du Nord.
Ainsi, aujourd'hui, on attribue d'autres caractéristiques au sens moderne : en rupture avec le communisme, la social-démocratie au sens moderne du terme s'est placée au cours du XXe siècle sous le signe de la doctrine keynésienne alliant initiative privée et impulsion de l'État, tout en restant dans le cadre économique du capitalisme. (souvent on simplifie la théorie keynésienne à une politique de la demande par la relance de la consommation, ce qu'elle n'est pas : il s'agit d'obtenir un partage optimal de la valeur ajoutée entre travail et capital, par des politiques de pilotage macroéconomiques dans un sens ou dans l'autre)
Mais la social-démocratie est aussi une culture politique qui part du pluralisme social et défend la « modération », le "compromis" politique et des structures d'organisation pour la négociation et la concertation.
Donc voilà... Or une politique keynésienne ne suffit pas dans un cadre mondialisé, et le système syndical est à refonder totalement dans cette optique. De plus la pertinence du terme, connoté, parfois usé, se pose.
Pour autant il a déjà évolué par le passé, on peut le réadapter, je ne sais pas. Cela nous identifie, mais mieux vaut s'identifier par nos propositions que par un qualificatif unique.
A partir de cela, et de la ligne de DSK, de ce que nous voulons, quelques grands thèmes.
Je ne retiens pas ce que nous avons en commun avec les autres courants, comme la prise en compte nécessaire de la protection de l'environnement, la laïcité, la priorité à l'éducation, à la culture et la volonté d'élever l'individu pour améliorer la société...
Un identifiant fort, c'est l'Europe, notamment depuis le referendum. Pour autant, la ligne de clivage entre oui et non peut évoluer, mais reste en partie pertinent. Il ne s'agit pas d'être des pro-européens béats, ni rester dans l'incantation, mais réalistes et avec cet idéal, à approfondir. Le mini-traité institutionnel de Sarko est sûrement une première étape nécessaire, que nous ne pouvions proposer empêchés par nos divisions, mais qui ne nous suffit pas. Nous avons concrètement l'ambition européenne. (je suis plus réservé sur l'Europe très élargie proposée par DSK à une époque comme horizon de moyen terme)
Le rôle de l'Etat : on peut sûrement reprendre à notre compte le slogan de Bad Godesberg : « le marché autant que possible, l'intervention publique autant que nécessaire. » Tout en considérant le nécessaire de manière assez large, comme étant souvent une condition qui participe à l'intérêt général.
Cela pose nécessairement la question d'un nouveau syndicalisme, de nouvelles relations sociales, dans la négociation et le partenariat. C'est donc sortir de la lutte des classes, et un rôle de l'Etat dans ces négociations bien plus en retrait.
Cela peut intégrer une vision décentralisatrice, mais péréquatrice.
Economique et social : c'est concilier deux principes de base me semble-t-il. Il faut créer la richesse avant de la redistribuer. Mais la recherche de la croissance n'est pas le seul objectif, et ne justifie pas tout. Et il faut notamment, accompagner, protéger, ceux que le système écarte ou menace, pour une société plus apaisée, plus sure, plus juste. (l'objectif étant finalement le bonheur, si j'osais…) Faut-il reprendre la flexsécurité, et que mettons-nous derrière ?
C'est en tout cas une relation apaisée avec l'entreprise, notamment les PME, la promotion d'un nouveau capitalisme cognitif, des territoires, de l'innovation. Il faut retrouver la voie et la voix de la croissance (savoir l'illustrer), en pratiquant des politiques d'offre comme de demande...
Il faut se positionner sur la financiarisation de l'économie, et de certains risques que cela porte.
Il faut arriver à construire une vision de la mondialisation, opportunité mais également ouragan en gestation. Protection offensive ?
Egalement sur les retraites (équité/effort/ répartition travail-loisir sur une vie/financement assuré, assumé et expliqué) ou la vigilance sur la dette...
Enfin, on doit porter aussi un socialisme du réel, qui ne se noie pas dans des dogmes ou des habitudes mais qui doit avoir comme préoccupation des résultats concrets, à des problèmes quotidiens. (Sans tomber dans la démagogie et la réponse à tout) Ainsi sur le traitement de l'insécurité, les 35h, le pouvoir d'achat, le mérite... C'est souvent aussi une question de méthode et de marketing politique.
Voila pour quelques idées.
En termes de stratégie politique, je pense qu'on peut aussi incarner :
une volonté de rénovation de la vie du parti :
- promouvoir le débat et la réflexion de fond, les travaux thématiques, à tous les niveaux; faire vivre des "think-thanks...
- essayer d'en faire un parti plus large, plus ouvert, de masse...
nouvelle manière de faire de la politique :
- réintroduire la nuance et la raison dans le débat : opposition constructive à l'assemblée, moins frontale. Nous ne sommes pas le Bien, contre le Mal ou l'erreur par nature. Nous n'en serons que plus crédibles.
- redéfinitions des alliances possibles. Nous sommes certainement plus proches du Modem que du PC.
Romain Janhsen, Socialisme et démocratie 31
ÊTRE DE GAUCHE ?
D’abord les fondamentaux. Que veut dire être de gauche ?
C’est mettre la priorité sur l’être humain, c’est vouloir avant toutes choses et pour tous, le progrès humain et social, progrès de la qualité de vie mais également progrès de la connaissance et de l’intelligence.
C’est avoir pour principes la liberté, l’égalité, la fraternité.
C’est adhérer aux valeurs qui découlent de ces principes : la laïcité, la tolérance, le respect des autres et de la personne humaine, la solidarité, la démocratie.
Déclinons maintenant ces fondamentaux pour donner des guides de comportement par rapport aux grandes questions d’aujourd’hui : le libéralisme économique, la mondialisation, le travail, la sécurité, l’immigration, l’écologie, l’Europe, le communautarisme, la nation, l’éducation, etc. La liste n’est pas exhaustive. Si l’on fait cette opération de manière rationnelle en évitant le prêt à penser de gauche habituel on aboutit à des propositions iconoclastes mais qui servent l’objectif donné ci-dessus. Par contre on se rend compte que, loin des lieux-communs, être de gauche est une exigence, pour soi comme pour les autres.
Le travail : le travail comme participant au progrès général ou individuel et comme facteur d’épanouissement intellectuel ou physique, d’entreprise, de création, d’apprentissage, d’échange, est à n’en pas douter une valeur de gauche. Par contre le travail abrutissant, mange-temps et facteur d’usure intellectuelle ou physique, doit être réduit au minimum nécessaire et laisser un large temps libre pour d’autres activités plus épanouissantes. Au slogan de la droite « travailler plus pour gagner plus », la gauche doit répondre « travailler mieux et plus intelligemment pour le bien de tous et de chacun ». Une réponse de gauche c’est donc l’amélioration constante de l’efficacité et de la qualité du travail par l’éducation, les investissements, la recherche, l’organisation, les infrastructures, la formation, l’automatisation qui libère des tâches pénibles et sans intérêt. C’est aussi la réduction du temps de travail pour permettre de s’occuper de sa famille, de se cultiver, de bricoler, de donner du temps à des associations altruistes, etc. (bref pour du travail toujours, mais non rémunéré). Il faudrait inventer une nouvelle méthode calcul du PIB qui intègre toutes les activités amenant du progrès à la société et qui compte négativement celles amenant des nuisances. On peut en déduire que la gauche doit rejeter l’assistanat comme ne servant ni l’individu ni la collectivité. L’aide aux personnes en difficulté doit consister à leur permettre de rejoindre le peloton des personnes actives (« apprendre à pêcher plutôt que de donner du poisson ») et doit donner lieu à contribution de la part des personnes aidées.
L’entreprise et le libéralisme économique : l’entreprise sous toutes ses formes, commerciale ou association, à but lucratif ou non, est un facteur de création, de progrès et d’accomplissement individuel ou collectif et doit par conséquent être encouragée. La liberté de chacun s’arrêtant là où commence celle des autres, la gauche doit cependant réguler l’économie pour que le succès de certaines entreprises ne se traduise pas au final par des régressions humaines individuelles ou collectives.
La richesse : l’honnête enrichissement de certains, personnes ou collectivités (entreprises commerciales ou associations), constitue non seulement une juste récompense et un encouragement pour l’esprit d’entreprise, la créativité, l’effort ou la prise de risques mais donne également les moyens – le capital – nécessaire pour les actions à venir et le bien de tous, d’autant que l’investissement de capital a un effet multiplicatif sur la production de richesses à partager. Tous les facteurs qui contribuent au progrès de la société doit être encouragé par la gauche et l’enrichissement est l’un de ces facteurs. L’égalité des droits et des chances ne signifie pas l’égalitarisme qui nivelle par le bas et qui finalement nuit à tous par sa faible entropie. Le succès de quelques uns tire les autres vers le haut. Par contre la gauche doit faire très attention à ce que les situations établies n’empêchent pas l’émergence d’autres richesses, d’autres succès. Il faut éviter le blocage des situations sociales, les coteries, et autres freins à la fluidité sociale. Elle doit par exemple réduire la transmission à des héritiers qui ne seraient que des rentiers par différents moyens appropriés. Elle doit également bien sûr veiller à ce que l’enrichissement ne soit pas le résultat d’agissements malhonnêtes et de l’exploitation des plus faibles.
La mondialisation : la mondialisation est un facteur de paix et de progrès dans la mesure où elle favorise les échanges de biens, la circulation des personnes et des idées. Néanmoins, nous pouvons constater que seuls les échanges de biens sont traités dans les accords internationaux. La gauche doit donc introduire des règles facilitant la diffusion du progrès humain dans ces accords en échange des traités économiques. La gauche doit également assurer un certain protectionnisme vis-à-vis d’une concurrence extérieure déloyale, c’est-à-dire ne respectant pas ses principes, pour permettre au travail d’être un facteur de progrès humain.
La nation : la nation et tous ses oripeaux (drapeau, hymne) ne sont certainement pas des valeurs de gauche. La nation, comme le communautarisme, c’est vouloir enfermer les individus, au prétexte qu’ils sont nés sur un territoire dit national, dans un système de prétendues valeurs jusqu’à être prêt à mourir pour elles. La nation, c’est la guerre aux autres et l’excuse de soi. Les principes et valeurs de la gauche ne sont pas nationaux mais universels. La gauche est donc universaliste, internationaliste, cosmopolite, même si, pour des raisons pratiques, elle est contrainte d’agir dans le cadre de territoires géographiques limités.
L’Europe : de ce qui précède sur la nation, on conclura rapidement que la gauche doit être Européiste, non pas pour créer une nouvelle nation européenne à un échelon supérieur, mais pour assurer la paix, le progrès économique, social et culturel ainsi que la libre circulation des individus et des idées. Et au-delà de l’Europe, il faut rechercher une gouvernance mondiale dans le même but.
La Turquie en Europe : tout ce qui peut favoriser l’expansion des idées de progrès humain et social doit être mis en œuvre et l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne fait partie de cela, même si les choses ne sont pas si simples et qu’il convient d’y aller intelligemment. Il ne peut y avoir, pour la gauche, d’autres raisons que pratiques et techniques pour limiter l’élargissement de l’Europe.
Le communautarisme : le communautarisme, c’est comme la nation, un enfermement des individus dans des valeurs et des traditions sous le prétexte qu’ils sont les enfants de cette communauté. La gauche doit donner la possibilité aux enfants, adolescents et jeunes gens de quitter leur communauté d’origine pour embrasser le monde par l’éducation, la mixité culturelle, les voyages d’étude etc. C’est la condition sine qua non pour un bon fonctionnement de l’ascenseur social comme le montrent les études sociologiques sur le sujet.
Les traditions : les traditions obligent, demandent à être respectées, enferment. Tradition n’est pas un mot de gauche. La gauche doit lui préférer les mots histoire et culture. La culture nourrit la réflexion de chacun et elle évolue car elle peut être enrichie, notamment au contact de la culture des autres.
La religion : idem pour les traditions religieuses et le communautarisme religieux. La gauche doit être laïque et la religion maintenue dans la sphère individuelle.
L’immigration clandestine : l’immigration clandestine pose un difficile problème à la gauche car s’y opposer c’est aller semble-t-il à l’encontre de ses généreux principes de progrès humain universel et de libre circulation des biens, des personnes et des idées. Il faut ici admettre le principe très humain, applicable pour les individus comme pour les groupes, que l’on ne peut aider les autres à ses propres dépends. La gauche doit donc aussi lutter contre l’immigration clandestine. Elle doit le faire de la manière la plus humaine possible en démantelant les filières, en punissant les employeurs ou les logeurs, en rendant l’immigration légale plus transparente et juste (ce qui redonnera de l’espoir aux candidats à l’immigration et évitera les actes suicidaires) et surtout en contribuant à installer dans les pays d’origine les conditions d’une vie correcte à travers par exemple l’aide aux ONG (pour éviter les détournements de fonds par les gouvernements suspects).
L’écologie : dans la mesure où le bien-être et le progrès de l’humanité sont concernés, la gauche doit se préoccuper de problèmes tels que l’effet de serre ou la diversité biologique et veiller à créer et maintenir un environnement (durable) favorable à l’épanouissement humain. Cela peut passer par la promotion des énergies renouvelables et celle de l’efficacité énergétique. La gauche ne doit cependant pas s’interdire de modifier l’environnement pour l’améliorer (il n’y a pas un environnement naturel et un environnement artificiel. L’homme et le résultat de ses actions, comme le résultat des actions de l’ensemble du règne animal et végétal – cf. les récifs coralliens - font partie de la dite nature). Ce que l’on peut et doit faire du point de vue de la modification de l’environnement est question de démocratie et d’intelligence. En tout état de cause, le retour à la lampe à huile ne peut pas être un objectif de gauche.
L’énergie nucléaire : l’énergie nucléaire a l’énorme avantage de fournir l’énergie dont le progrès humain a besoin sans produire de gaz à effet de serre. Elle présente néanmoins des risques importants au niveau industriel (accident nucléaire), politique (dissémination de l’arme nucléaire) et de pollution par les déchets. La gauche ne doit pas rejeter l’énergie nucléaire qui reste encore indispensable, mais agir pour la mitigation des risques engendrés. Elle doit donc investir dans la recherche dans les domaines du traitement des déchets, de la sécurité, de la fusion nucléaire, favoriser les filières peu compatibles avec l’armement nucléaire, agir diplomatiquement pour un contrôle international de l’énergie nucléaire. Et bien sûr promouvoir la recherche dans des énergies renouvelables abondantes et moins dangereuses.
Les OGM : La gauche doit favoriser la recherche scientifique, sur les OGM comme sur tous les autres sujets, même les plus délicats (embryon) dans le respect de l’éthique et des précautions d’usage et dans la transparence. L’amélioration des connaissances, de toutes les connaissances, est une valeur de gauche.
Les services publics : le rôle d’un état de gauche serait de mettre en place et de maintenir les structures communes - ou services publics - assurant le bon fonctionnement général de la société, l’efficacité de son activité, l’égalité d’accès à ces structures, et de faire en sorte que ces structures conduisent au progrès humain. Cela ne veut pas dire que ces services publics doivent être exécutés par l’état lui-même. Cela n’est certainement pas un gage d’efficacité par rapport à des entreprises ou des associations expertes dans le domaine et ayant d’autres modes de recrutement et d’organisation plus adaptés. L’état doit simplement établir des cahiers des charges précis et contraignants, mettre les fournisseurs de service en concurrence et vérifier les résultats régulièrement. La soi-disant défense du secteur public, qui n’est en fait que la défense d’avantages catégoriels et qui énerve tant de nos concitoyens, va en fait à l’encontre de l’amélioration de l’efficacité de ces services et par conséquent de la compétitivité de la société entière. Elle a l’inconvénient de dresser l’une contre l’autre deux parties de la société : la société civile et les fonctionnaires. D’ailleurs il ne devrait pas y avoir de fonctionnaires, seulement des compétences, des métiers, et le citoyen devrait pouvoir travailler alternativement au cours de sa carrière dans des sociétés privées ou pour l’état, ce dernier embauchant selon ses besoins et selon les compétences requises.
L’éducation : l’éducation est bien sûr une action prioritaire pour la gauche avec la nuance qu’il ne s’agit pas seulement de former de futurs travailleurs meilleurs et plus efficaces mais surtout des citoyens intelligents et sensibles capables de s’épanouir, d’entreprendre, de créer, etc. , pour leur bien et pour celui des autres (voir la valeur travail). Il faut donc enseigner non seulement des matières scientifiques mais également la philosophie qui permet de raisonner, la sociologie qui permet de comprendre la société, les arts qui permettent de ressentir, etc. Ce sera bon pour les individus mais également pour la collectivité : intelligente et sensible, la France sera plus forte. Une remarque : si l’enseignement est un métier, j’ai pu constater que mes meilleurs professeurs étaient des gens plutôt âgés et qui étaient venus à l’enseignement sur le tard lorsqu’ayant exploré toutes les possibilités de leur carrière et bâti leurs désirs, il leur est venu l’envie de transmettre leurs connaissances et leur expérience aux jeunes générations. Voilà qui plaide pour des possibilités de passerelle entre les carrières.
La culture : la culture, comme l’éducation doit être une priorité de la gauche afin de former des citoyens intelligents et sensibles, capables de créativité et de raisonnement. Objectif majeur : faire reculer la « beaufitude » ! Comment faire en laissant la liberté de choix aux citoyens ? (il n’est certainement pas question de faire le bonheur du peuple malgré lui). C’est la question à résoudre à laquelle je cherche personnellement en vain une réponse dans mes activités associatives.
La liberté : c’est, à n’en pas douter un principe de gauche même lorsqu’il s’agit de liberté économique (voir plus haut sur l’entreprise et le libéralisme économique). Parmi les libertés menacées aujourd’hui en France même : la liberté de la presse, la liberté de critique de la religion (que certains appellent blasphème), la liberté des femmes dans « certains quartiers », la liberté syndicale dans les PME, la liberté architecturale (demandez aux architectes ce qu’ils en pensent), la liberté de la recherche scientifique,…
La démocratie : la démocratie c’est le régime politique qui fait que chacun est acteur de son destin et du destin de ses compatriotes. L’expérience montre que la démocratie est le seul régime permettant le progrès humain et est donc un impératif pour la gauche. Or contrairement à ce qu’ont claironné la plupart des média, la forte participation à l’élection présidentielle traduit en fait un déficit de démocratie et la crise de la représentativité. Les causes sont connues : féodalisme dans les partis politiques (on n’en parle pas assez mais pour qui est militant c’est vraiment une chose terrible), faible représentativité syndicale, absence de transparence sur les décisions des représentants à tous les niveaux (de la commune à l’état), absence d’évaluation des politiques, régime présidentiel charismatique et parlement croupion,… Des mesures utiles ont été avancées par Ségolène Royal : non cumul des mandats, limitation à deux mandats consécutifs, augmentation de la représentativité syndicale (comment ?), éclaircissement des compétences, évaluation de l’action politique par des jurys citoyens, démocratie participative. Soyons conscients cependant que la démocratie est une exigence et que le citoyen doit non seulement être acteur mais également s’informer et acquérir des compétences…
La sécurité : la sécurité ce n’est pas de mettre plus de policiers, de barrières, d’alarmes, de systèmes de détection, de caméras, etc. Lorsqu’il en est ainsi, c’est que l’on a peur et la peur est l’antinomie de la liberté. La vraie sécurité c’est de pouvoir dormir tranquille toutes portes et fenêtres ouvertes ou de pouvoir oublier son sac dans un magasin et de le retrouver, et cela suppose non pas des mesures sécuritaires mais une évolution des mentalités (par exemple que tous soient garants de tous, que l’honnêteté l’emporte sur le cynisme), évolution qui peut être obtenue par l’éducation, l’égalité et la solidarité. La fraternité et l’honnêteté, voilà les principes de gauche propres à lutter contre l’insécurité.
Le gauchisme : la gauche n’est pas le parti des travailleurs et des classes populaires. Pas seulement en tout cas. Elle est le parti de tous ceux et celles qui privilégient le progrès de l’humain, qu’ils soient eux-mêmes riches ou pauvres, travailleurs, chefs d’entreprise ou rentiers. La gauche c’est avant tout le parti de l’intelligence, de la sensibilité et du progrès humain. La dictature du prolétariat, comme toute idée de dictature, est une idée d’extrême droite ! Prendre aux riches pour donner aux pauvres, c’est simpliste et c’est tout simplement du vol. C’est nier le mérite de l’action, de l’intelligence, de la créativité, de la prise de risques et l’apport que ces qualités ont pour la société entière. C’est autre chose que d’organiser la solidarité et les services de l’état par un impôt juste utilisé pour le bien de tous (et pas seulement celui des pauvres même si ce sont eux qu’il convient d’aider le plus). La justice appliquée à tous, riches ou pauvres, est un principe de gauche. Le mérite est également une valeur de gauche.
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